BFM Business
Finances publiques

Ces cigarettes invendables qui vont coûter 100 millions à l'État

Interdits à la vente depuis l'instauration du paquet neutre, 15 millions d’anciens paquets de cigarettes ont été renvoyés par les buralistes. Bercy s'est résolu à tout rembourser avant de brûler la marchandise.

Le paquet neutre coûte déjà cher à l’État. Depuis le 1er janvier, les buralistes n’ont plus le droit de vendre les anciens paquets de cigarettes estampillées des marques et logo habituels Marlboro, Camel, Lucky Strike… En août 2016, le ministère du Budget avait promis que ces paquets non-vendus au 1er janvier 2017 seraient remboursés. Une souplesse de la réglementation, qui ne le prévoit pas, qui avait été confirmée dans un autre courrier du 19 décembre dernier.

Du coup, pour profiter de ce guichet automatique, les 26.000 buralistes se sont empressés de renvoyer leurs invendus. Entre fin janvier et fin février, Logista, le monopole de distribution du tabac a ainsi reçu 250 tonnes de tabac (paquets, tabac à rouler, cigarillos…). Soit l’équivalent de plus de 15 millions de paquets de cigarettes pour une valeur de près de 100 millions d’euros!

Sauf qu’entre temps, Bercy a modifié les règles de remboursement. Dans une lettre datée du 20 janvier, les Douanes imposent que tous les paquets soient identifiés avec leur date de livraison. Une condition impossible à remplir pour Logista qui fait l’intermédiaire entre les buralistes et l’administration. L’entreprise reçoit les marchandises, les rembourse aux buralistes avant d’être dédommagée par l’État. "Il nous est impossible de tracer le tabac. La traçabilité ne sera obligatoire qu'en mai 2019", explique Pascal Ageron, le patron de Logista. 

100 millions partis en fumée

Craignant que Bercy ne règle la facture, Logista a bloqué les paiements aux buralistes depuis quelques semaines. Et provoqué leur colère. La note par bureau de tabac représente en moyenne 3000 euros, mais les plus gros débitants ont renvoyé pour quelques dizaines de milliers d’euros de marchandise. "Logista ne peut pas rembourser ces marchandises si l'État ne s'engage pas à modifier les règles de traçabilité pour nous rembourser les taxes. Les discussions avec les Douanes montrent qu'elles ont intégré nos contraintes et je ne doute pas qu'une solution sera trouvée", ajoute Pascal Ageron qui discute avec les Douanes pour annuler la clause de date de livraison.

Selon nos informations, un accord a été trouvé lundi, après plusieurs semaines de discussions. Bercy remboursera donc bien tous les paquets, sans exception. "À trois semaines des élections, il ne faut pas braquer les buralistes", résume un proche du dossier.

Dans ce cas, l’État paiera 100 millions d’euros pour rien. "Si Bercy avait laissé le mois de janvier aux buralistes pour vendre leurs stocks, il n’y aurait pas eu de problème" explique cette source. Du coup, certains en ont profité pour renvoyer tout et n’importe quoi. Des paquets vieux de 10 ans, d’autres vides, certains provenant d’Espagne ou de la contrebande…

Même si ceux-là ne seront pas remboursés, Logista a dû mobiliser 40 salariés pour trier tous les paquets. Un travail de titan qui dure depuis un mois et se terminera fin mai. Une fois que Bercy aura remboursé ces 100 millions d’euros, les 15 millions de paquets seront détruits. Un gros chèque parti en fumée.

Matthieu Pechberty