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Finances publiques

Cour des comptes: le top 5 de la gabegie publique

Le bâtiment du MUCEM, situé en bord de mer, coûte très cher à entretenir, et ses prévisions de frais de fonctionnement ont été sous-évaluées.

Le bâtiment du MUCEM, situé en bord de mer, coûte très cher à entretenir, et ses prévisions de frais de fonctionnement ont été sous-évaluées. - Boris Horvat - AFP

Un musée ultra-subventionné qui ne sera jamais rentable, une université dont le désamiantage aura coûté 10 fois plus cher que prévu... Cette année encore, la Cour des comptes s'en donne à coeur joie avec l'incurie étatique.

L'audit de tout un pays. La Cour des comptes a rendu, ce mercredi 11 février, son rapport public annuel, 1.500 pages qui détaillent par le menu l'utilisation faite par l'Etat et les collectivités de l'argent public. Et comme chaque année, les sages de la rue Cambon y pointent des objets de gaspillage irritants pour le contribuable. BFM Business en dresse le top 5 2015. 

> 16 ans de retard pour le chantier de Jussieu

Le chantier de désamiantage du campus universitaire de Paris VI, lancé en 1996, devait durer trois ans et coûter 183 millions d'euros. Les travaux auront duré 19 ans, soit 16 années de plus que prévu, et surtout coûté dix fois plus cher, stipule le rapport. En cause, des défaillances dans la conduite du chantier déjà dénoncées par la Cour en… 2003. 

Le budget initial pourrait encore s'alourdir, car bien que l'essentiel des travaux soit réalisé, l'université Pierre et Marie Curie envisage d'ouvrir un nouveau chantier. Il s'agit cette fois de rénover des bâtiments appelés "les barres de Cassan", pourtant dépourvus d'amiante. Ce qui pourrait porter le montant total des travaux à 2 milliards d'euros.

> Les ratés fatals du logiciel de paie des fonctionnaires

Le logiciel, nommé SI-Paye, lancé en 2007, devait remplacer les 8 différents services de paie des ministères. L'Etat comptait ainsi supprimer 3.800 postes de fonctionnaires affectés à la paie des agents. Alors qu'il aurait dû devenir opérationnel en 2017, il a été discrètement mis en sommeil au printemps dernier. Un échec qui devrait coûter 346 millions d'euros, selon les services de Didier Migaud.

Pour automatiser le traitement des agents, il aurait fallu que "l’intégralité des règles de paie puissent être prise en compte" par le logiciel. Or "l’État rémunère ses agents sur la base d’environ 1.500 éléments de paie distincts, chacun susceptible d’être diversement décliné suivant les ministères", précise encore le rapport. Plus prosaïquement, SI-Paye devait notamment calculer le montant des primes des fonctionnaires, alors que celles-ci dépendent de chaque ministère, une prérogative à laquelle aucun n'entend renoncer.

> L'impossible rentabilité du Mucem

Le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille aura coûté au moins 350 millions d'euros, et ouvert trois ans plus tard que prévu. Non pas en raison de retards de chantiers mais bien de "lenteur des décisions". En dépit de son "succès populaire indéniable", sa soutenabilité financière semble inatteignable aux experts de la Cour des comptes. Il faudra pourtant rentrer dans les frais générés par une gestation chaotique. 

Le Mucem est issu de la délocalisation à Marseille du musée national des Arts et traditions populaires, installé à l’origine dans le 15ème arrondissement de Paris. Pendant les travaux, les équipes continuent d'être réparties entre les deux villes, désœuvrées à Paris. Une incohérence qui a pesé pour 58 millions d'euros de charges entre 2005 et 2013. Autre poids dans les comptes: le devenir du bâtiment parisien vidé n'a pas du tout été anticipé. Laissé à l'abandon, sa remise en état coûtera entre 50 et 80 millions d'euros, à ajouter aux frais de gardiennage en attendant de lui trouver une nouvelle utilité.

> Les 30.000 actions gratuites des 60 cadres de la CDC

Entre 2007 et 2010, la Caisse des dépôts et des consignations distribue aux cadres de sa filiale "entreprises" près de 29.000 actions gratuites. Objectif: motiver les salariés en les intéressant aux performances de la structure. 60 cadres en bénéficient.

Mais le montant des dividendes perçus excède largement les prévisions initiales, de 80%. Et quand la Caisse rachète ces actions en 2013, pour plus de 7 millions d'euros, elle offre à certains cadres des plus-values à mille lieux de l'objectif initial de cette opération.

"Sous couvert d’actionnariat salarié", déjà contestable dans une filiale qui fonctionne à 100% grâce aux capitaux publics, la CDC a, en réalité, "mis en place une forme de rémunération complémentaire pour les salariés". Une sorte de prime, "qui s’est ajoutée à des dispositifs existants déjà généreux", souligne le rapport.

> Les aéroports substituables de Dole et de Dijon

La Cour alerte depuis 2008 sur le "déficit chronique de nombreux aéroports locaux". Que dire alors de deux d'entre eux, situés à 50 kilomètres de distance, qui visent les mêmes compagnies aériennes, les mêmes passagers et les mêmes dessertes? C'est le cas des aéroports de Dole, dans le Jura, et de Dijon, en Côte d'Or. Deux villes qui feront bientôt partie d'une seule et même région - la Bourgogne-Franche Comté- à la faveur de la réforme territoriale

Les deux sites misent par exemple tous deux sur le low cost pour générer du trafic, et se sont disputés les faveurs de Ryanair. Dole est sorti gagnant de la bataille, et a pris le pas sur Dijon. Mais aucun des deux ne s'en sort réellement. Et chacun touche des fonds publics de compensation -23 euros par passager pour Dole, 45 pour Dijon- jugé "inefficients" par l'institution.

"A ce jour, la viabilité économique d’un aéroport unique n’est pas démontrée, et celle de deux aéroports l’est encore moins", souligne la Cour des comptes. Ces deux sites "ont pris en charge, entre 2008 et 2013, des trafics annuels respectifs inférieurs à 100.000 voyageurs", explique-t-elle. 

Nina Godart