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Finances publiques

Delevoye est-il l'homme de la situation pour réformer les retraites?

Politique chevronné, adepte du consensus, Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Chirac âgé de 70 ans, a été nommé haut commissaire aux retraites.

Politique chevronné, adepte du consensus, Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Chirac âgé de 70 ans, a été nommé haut commissaire aux retraites. - Eric Feferberg-AFP

Haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye a piloté en 2003 la première grande réforme des retraites des fonctionnaires. Habile négociateur, cet adepte du dialogue direct avait su faire passer "la pilule" en ne touchant pas aux régimes "spéciaux". L'exercice sera cette fois plus périlleux.

C'est un spécialiste des négociations délicates qui a été chargé par l'actuel gouvernement de déminer le chantier de la réforme de retraites. Avant de s'atteler au système universel par répartition promis par Emmanuel Macron, le haut commissaire à la réforme des retraites, pourra puiser dans son expérience d'ancien ministre de Jacques Chirac (2002-2004)

À l'époque, Jean-Paul Delevoye avait eu à copiloter la première grande réforme des retraites en duo avec François Fillon, lorsque ce dernier était ministre des Affaires sociales et du Travail. Retour sur sa méthode.

Réélu en 2002, Jacques Chirac lui confie le ministère de la Fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Six mois plus tard, le Président appelle à une "réforme des retraites" qualifiée d'urgente. Alors que François Fillon s'occupe du secteur privé, Jean-Paul Delevoye a pour mission d'aligner les régimes des fonctionnaires sur le privé, au nom du principe d'équité.

Cet ancien ministre de la Fonction publique (2002-2004) a piloté la réforme des retraites des fonctionnaires, réussissant à ramener les syndicats autour de la table après plusieurs mois de conflit.
Cet ancien ministre de la Fonction publique (2002-2004) a piloté la réforme des retraites des fonctionnaires, réussissant à ramener les syndicats autour de la table après plusieurs mois de conflit. © Martin Bureau-AFP

Homme de terrain, le ministre multiplie alors les déplacements en région pour rencontrer les syndicats de fonctionnaires. "Le débat sur les retraites concerne tous les Français ; c'est donc avant tout un débat de société, et un débat national ; pour nous "national" ne veut pas dire "parisien" expliquait en février 2003 ce provincial originaire du Pas-de-Calais.

Dans ce qu'on peut considérer comme un véritable "discours de la méthode", il expose sa façon de faire pour mener à bien la réforme dans le secteur public. "Le dialogue social avec les syndicats de la fonction publique sera continu et permanent, comme il l'est depuis le premier jour de mon arrivée au ministère...(...)... Notre objectif n'est pas de sacrifier la fonction publique sur l'autel de l'équité mais de sauver collectivement nos systèmes de retraite". 

Confronté quelques jours après sa déclaration à un appel de six des sept fédérations de fonctionnaires à une mobilisation sur le sujet, le ministre de la Fonction publique s'attache d'emblée à calmer le jeu. Recevant tour à tour tous les syndicats, il s'applique à les rassurer sur la méthode qu'il entend appliquer.

jean-Paul Delevoye a présidé le Conseil économique social et environnemental (CESE) de 2010 à 2015 mais avait échoué à se faire réélire en 2015.
jean-Paul Delevoye a présidé le Conseil économique social et environnemental (CESE) de 2010 à 2015 mais avait échoué à se faire réélire en 2015. © Miguel Medina-AFP

Il leur propose des rencontres bilatérales et des groupes de travail propres à la fonction publique, en parallèle aux réunions du groupe confédéral qui négocie avec François Fillon sur les retraites du secteur privé.

Réussissant à ramener les syndicats autour de la table, il tient bon sur le principe de base, à savoir la convergence de la durée de cotisations qui sera portée à 40 ans en cinq ans. Mais il lâche aussi du lest. "Il s'est montré conciliant sur le calcul de la pension. Il a ainsi expliqué être à titre personnel favorable au maintien de la référence aux six derniers mois de salaire, expliquait la CFDT dans le journal Les Echos au printemps 2003, au coeur de la négociation.

Cette méthode alliant fermeté sur l'objectif des 40 annuités pour tous et compromis sur les à-cotés (comme les décotes en cas de retraite avant le terme) n'empêchera pas ni Jean-Paul Delevoye, ni François Fillon d'éviter des manifestations comparables à celles de 1995. Mais elle leur permet d'éviter des grèves générales à répétition et d'obtenir le soutien de la CFDT. Surtout, en ne touchant pas aux régimes spéciaux de retraite (EDF, SNCF, RATP), le gouvernement de l'époque s'épargne un mouvement social dur.

Médiateur de la République, il a cultivé son sens de la négo

L'essentiel est acquis. La réforme de 2003 est votée en juillet de la même année. La loi aligne la durée de cotisation des fonctionnaires (pour une retraite à taux plein) sur celle des autres salariés.

De 2004 à 2011, devenu médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, cultive sa capacité à mener des réconciliations de points de vue divergents. Président du Conseil économique social et environnemental (CESE) de 2010 jusqu'en 2015, il a dû affronter, en février de cette même année, les foudres de la Cour des comptes qui épingle la gestion du CESE (même si elle reconnaissait que des progrès avaient été accomplis depuis 2010).

Début 2017, devenu homme de confiance du candidat Macron, sa capacité à transcender les clivages partisans lui fut très utile à la tête de la Commission d'investitures pour les élections législatives du jeune parti En Marche!. Savoir négocier, écouter et aboutir à des synthèses fructueuses sera essentiel à cet ancien "gaulliste social" pour mener à bien la plus profonde réforme des retraites englobant, cette fois-ci, les fameux "régimes spéciaux".

Frédéric Bergé