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Finances publiques

Exil fiscal : vers la perte de la nationalité française ?

Chaque année se sont 30 à 60 milliards d'euros de pertes pour l’Etat à cause de la fraude ou l’évasion fiscale.

Chaque année se sont 30 à 60 milliards d'euros de pertes pour l’Etat à cause de la fraude ou l’évasion fiscale. - -

Un député PS, Yann Galut, propose que les exilés fiscaux soient déchus de leur nationalité s'ils ne paient plus d'impôts en France. Le député du Cher tire sa proposition du système américain. L’idée divise élus et spécialistes.

Payer ses impôts en France ou perdre sa nationalité ? C’est la question que les exilés fiscaux pourraient désormais se poser avant de partir installer leur capital à l’étranger. Yann Galut, député PS du Cher, propose de déchoir de leur nationalité française les exilés fiscaux. Avec cette loi, un Français qui irait habiter en Belgique par exemple, comme c’est le cas du comédien français Gérard Depardieu, devrait continuer à payer à la France le différentiel entre le montant des impôts belges et celui qu’il aurait dû payer en France s’il était resté. Dans ce cas-là, l’exilé français garderait sa nationalité. En revanche, un Français résidant à l’étranger et qui refuserait de payer la différence à la France serait alors sanctionné par une perte de la nationalité.

« Un coup de colère contre ces privilégies »

« Je vois la pauvreté augmenter. Je vois des gens qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. Je vois des gens qui vivent entre 500 euros et 800 euros de revenus, déplore Yann Galut. Face à cette désespérance sociale, on a des individus qui estiment qu’ils doivent fuir leurs responsabilités alors qu’ils sont milliardaires. C’est un vrai coup de colère contre ces privilégiés qui fuient notre pays ».
Pour le député du Front national Gilbert Collard, on ne perd pas sa nationalité de cette manière. « Etre Français, a-t-il déclaré, ça ne peut pas se perdre comme ça ». Chaque année, ce sont 30 à 60 milliards d'euros de pertes pour l’Etat à cause de la fraude ou l’évasion fiscale. Pour autant, les avis divergent sur l’efficacité d’une telle mesure.

« Saisir les biens, ça fait un peu plus mal »

Alexis Corbière, maire-adjoint du 12ème arrondissement de Paris, est plutôt favorable à cette initiative et il est même tenté d’aller encore plus loin. « Je suis pour toute proposition qui permette de lutter contre la fraude fiscale, assure le secrétaire national du Parti de gauche. Ce dispositif permettrait d’exiger du contribuable français, quel que soit le pays dans lequel il réside, de s’acquitter de la part d’impôts qu’il doit à la nation. La proposition de monsieur Galut a le mérite de mettre la lumière sur les exilés fiscaux, mais j’ai peur que finalement on se lave les mains du problème. Quand Gérard Depardieu part à l’étranger, on lui dit qu’il doit payer des impôts, il dit "non", et du coup, il n’est plus français ? Non. Il doit de l’argent, on va saisir ses biens. Ça, ça fait un peu plus mal ».

« Contraire aux traités européens »

Pour l’avocat spécialiste en droit fiscal au cabinet Xirius à Bruxelles, Marc Marlère, cette mesure serait de toute façon contraire aux règles en vigueur dans l’Union européenne. « Je ne pense pas que ce soit une préoccupation principale du Français qui va s’installer en dehors de la France, explique-t-il. Ce résident de l’Union Européenne pourrait accéder à une autre nationalité. Leur préoccupation principale, c’est de payer le moins d’impôts possibles. Mais j’ai le sentiment que cette loi serait contraire aux traités européens. On ne peut pas, d’un côté, autoriser les personnes à aller s’installer dans l’Union Européenne comme elles le souhaitent, et à côté prendre des mesures qui restreindraient cette libre circulation ».

T.de Dieuleveult avec J.Zeghoudi