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Finances publiques

Impôt: comment baisser le taux de l'IS sans réduire les recettes

L'IS concerne 1,4 million d'entreprises

L'IS concerne 1,4 million d'entreprises - Loïc Venance-AFP

"Alain Juppé ou François Fillon se sont engagés à réduire le taux de l'impôt sur les sociétés. De même que François Hollande. Mais cette baisse annoncée risque de plomber le budget de l'Etat. Bercy tente de trouver la solution miracle. "

Avec la gauche comme avec la droite, une chose est certaine: l'impôt sur les sociétés va baisser. Avec la gauche, ce sera même l'une des mesures fiscales contenues dans le budget 2017. Normal puisqu'il s'agit de l'une des dernières dispositions du pacte de responsabilité décidé en 2014 par François Hollande.

La baisse devrait en principe représenter l'an prochain 1,5 milliard d'euros, voire 5 milliards si la contribution sociale touchant les grandes entreprises (la C3S) n'est pas supprimée. La décision définitive devrait être annoncée par le gouvernement en septembre. 

A droite, Alain Juppé comme François Fillon ont également inscrit dans leur programme pour la présidentielle de 2017 une forte baisse du taux d'IS qui est actuellement de 33,3%.

Compétitivité contre rentabilité 

L'objectif des uns comme des autres est de rapprocher ce taux de la moyenne européenne, à savoir 25%. Même si cette moyenne reflète de fortes disparités: en Belgique, le taux est de 33,99%, en Allemagne de 30,2% (y compris l'IS régional), mais seulement 22% en Grande-Bretagne et 12,5% en Irlande. 

Sauf que, si les politiques sont tous d'accord pour faire baisser l'IS afin d'améliorer la compétitivité des entreprises tricolores, les hauts fonctionnaires de Bercy ont une autre préoccupation. Réduire le taux de l'IS signifie aussi baisser les rentrées fiscales liées à l'IS.

Or, depuis plusieurs années, celles-ci fondent déjà comme neige au soleil alors même que le taux d'IS ne bouge pas. En 2013, cet impôt rapportait 47,2 milliards. En 2015, ce montant est tombé à 33,5 milliards et la prévision 2016 se situe à moins de 33 milliards. C'est une sacrée différence avec l'impôt sur le revenu dont le rendement progresse malgré les récentes baisses décidées par l'exécutif.

L'explication tient essentiellement à la montée en puissance de deux crédits d'impôt, le CICE et le crédit d'impôt recherche (CIR). En 2015, le premier a réduit de 12 milliards les recettes d'IS, le second de plus de 5 milliards. À cela s'ajoute la mesure de sur-amortissement des investissements décidée l'an dernier par le gouvernement qui, mécaniquement, va réduire les recettes. 

Taux contre assiette

Du coup, les hauts fonctionnaires de la Direction de la législation fiscale de Bercy planchent en ce moment sur les moyens de réduire les taux sans trop réduire le rendement de l'IS afin de proposer des solutions au gouvernement avant la présentation du budget 2017 cet automne. 

Ils passent donc au crible tous les mécanismes permettant aux entreprises de réduire légalement l'assiette de leur IS, c'est-à-dire la matière taxable. Et il y a de quoi faire. Comme le démontrait une enquête du cabinet EY publiée début mai, l'assiette de l'impôt sur les bénéfices français est en effet parmi les moins larges des grands pays de l'UE. 

Cela tient d'abord à l'existence des fameuse niches fiscales, qui ne concernent pas que l'impôt sur le revenu comme on le croit souvent. Sur les 460 niches recensées par Bercy, une petite cinquantaine concerne les entreprises. 

Mis à part le CICE et le CIR qu'il n'est pas question de remettre en cause, promesse présidentielle oblige, ces niches aboutissent à réduire le rendement de l'IS de pas loin de 10 milliards. C'est par exemple le cas de la réduction d'IS au titre des dons des entreprises aux oeuvres d'intérêt général qui, selon Bercy, va coûter cette année 740 millions au budget. Le fisc devrait donc proposer un coup de rabot sur cette niche.

Même chose, par exemple, avec le crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage qui "coûte" 410 millions. Ou, en plus modeste, le crédit d'impôt pour la formation des chefs d'entreprise, estimé à 40 millions par an. 

Les fiscalistes de Bercy regardent aussi si l'on peut retoucher à la marge aux grands mécanismes comme le régime de groupe, voire le régime des amortissements, globalement favorables en France. 

Reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre?

Il est pourtant peu probable que devant les levées de bouclier prévisibles des milieux patronaux, le gouvernement prenne le risque cette année de bouleverser la fiscalité des entreprises pour sauver quelques milliards d'IS. 

Sauf qu'à l'occasion de la discussion budgétaire, certains parlementaires de gauche pourraient très bien réclamer au gouvernement comme cela a été le cas récemment pour la taxation des actions gratuites

Par ailleurs, Bercy sait pertinemment qu'il ne travaille pas pour rien. L'harmonisation de la fiscalité sur les entreprises est au programme de la Commission européenne qui devrait d'ailleurs faire des propositions en fin d'année.

Taux d'IS en Europe

Belgique: 33,9%

France: 33,3%

Allemagne: 30,2%

Royaume Uni: 22%

Luxembourg: 21%

Irlande: 12,5%

Source: UE

P.C