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Finances publiques

Impôts : fin d'année à haut risque pour le gouvernement

Le Conseil constitutionnel va se prononcer d'ci au 30 décembre sur le projet de budget

Le Conseil constitutionnel va se prononcer d'ci au 30 décembre sur le projet de budget - -

Entre la polémique sur les exilés fiscaux qui se prolonge, une possible censure de dispositions importantes du projet de loi de finances et les difficultés du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le gouvernement a fort à faire sur le front fiscal.

"Je n'aime pas l'idée que les pouvoirs publics attaquent un citoyen". "La France pratique une politique fiscale qui l'éloigne de ses voisins". C'est en ces termes que l'ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, a commenté, dimanche 23 décembre sur BFMTV l'actuelle polémique sur les exilés fiscaux lancée après l'annonce du départ de Gérard Depardieu pour la Belgique.

Cette polémique sur les exilés fiscaux continue d'ailleurs de prendre de l'ampleur. "On est en train de faire une guerre de tranchée, de réinventer 1789", a lancé à son tour Alain Afflelou, samedi 22 décembre sur RTL. Ce patron très médiatique a décidé de s'installer à Londres pendant plusieurs années afin de diriger ses affaires, tout en continuant de payer ses impôts en France.

Vendredi, c'était Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui évoquait "un climat de guerre civile" à propos des critiques adressées aux grosses fortunes voulant quitter l'Hexagone. "Chacun doit faire des efforts", lui a répondu indirectement François Hollande, toujours vendredi sur Europe 1.

En tout cas, selon un sondage Ifop pour Le Figaro, paru le 21 décembre, 41% des sondés estiment que le montant des impôts payés par les plus riches est trop élevé contre 30% pensant l'inverse. Et 54% comprennent que certains partent s'installer à l'étranger.

Pour le gouvernement, la polémique risque donc de se poursuivre encore. D'autant que le ministre qui veut "taxer ceux qui vivent à l'étranger",n'est autre que Jérôme Cahuzac, lui-même mélé à une affaire de compte en Suisse qui prend de l'ampleur de jour en jour.

Au point que certains évoquent désormais une enquête menée par la Direction générale des finances publiques sur les déclarations fiscales du ministre du Budget, qui est censé être le supérieur de cette DGFiP.... La démission de Jérôme Cahuzac est d'ailleurs évoquée de plus en plus ouvertement pour les prochaines semaines. Difficile pour le gouvernement de donner des leçons aux exilés dans ce climat.

Plafonnement à 75% en question

Exilés, affaire Cahuzac, le gouvernement va peut-être devoir faire face à un troisième front fiscal : la possible censure du Conseil constitutionnel concernant plusieurs dispositions du projet de loi de finances 2013 et du collectif budgétaire 2012 instaurant le crédit d'impôt pour la compétitivité et le principe de hausse de taux de TVA en 2014. Saisi par l'opposition, le Conseil doit rendre sa décision le 29 ou 30 décembre.

Le collectif ne devrait normalement pas poser de problème. Mais il n'en va pas de même du futur budget 2013. L'opposition conteste en particulier trois dispositions du texte qui concernent directement les contribuables aisés : la mise en place d'un plafonnement des revenus moins favorable que celui existant sous le quinquennat précédent, et la taxation des revenus du capital au même barème que ceux du travail. Deux promesses de François Hollande que la droite a vivement contesté durant la discussion budgétaire. Elle a aussi demandé au Conseil d'examiner la constitutionnalité de la taxe de 75% sur les très hauts revenus.

Concernant le futur plafonnement des revenus qui devrait s'appliquer dès le 1er janvier à la place du "bouclier fiscal" de Nicolas Sarkozy, le projet de budget prévoit que le total des impôts payés par un contribuable ne pourra dépasser 75% de ses revenus. La liste de ces impôts comprend l'IR, l'ISF, les prélèvements sociaux (avec la CSG). En revanche, les impôts locaux en sont exclus. Ce que pourraient déjà retoquer les Sages.

Mais la disposition la plus contestée tient dans la prise en compte dans le plafonnement d'éléments qui ne sont pas des "revenus d'activité" mais des "revenus capitalisés", comme les intérêts de plans d'épargne-logement, les plus-values latentes ou encore le bénéfice distribuable d'une société si elle est détenue à plus de 33% par l'intéressé.

Une liste qui pourrait entraîner en pratique pour certains gros contribuables une imposition dépassant 100% de leurs revenus, estime l'opposition. Or, le Conseil constitutionnel a prévenu, cet été, le gouvernement : une imposition confiscatoire est inconstitutionnelle.

Que le Conseil constitutionnel rejette une disposition fiscale touchant les hauts revenus, et le gouvernement sera fragilisé dans sa volonté de mettre en place une politique fiscale différente de celle de Nicolas Sarkozy. Même s'il a la possibilité de demander à sa majorité de voter rapidement une nouvelle disposition respectant la décision des Sages du Conseil.

Patrick Coquidé