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Jadot: "Remettre de l’huile dans les rouages après des années d’austérité"

Yannick Jadot est candidat à l'élection présidentielle.

Yannick Jadot est candidat à l'élection présidentielle. - Joel Saget - AFP

Candidat d'EELV à l'élection présidentielle, Yannick Jadot souhaite investir lourdement dans la transition énergétique. Mais surtout sauver une Europe à la dérive. Entretien.

L’un des piliers de votre programme repose sur un plan d’investissement européen de 600 milliards d’euros par an. Comment le financer?

Il pourra être financé par la Banque européenne d'investissement. De son côté, la Banque centrale européenne "crache" 60 à 70 milliards d’euros par mois pour racheter notamment de la dette publique. Mais cela alimente essentiellement l’activité des banques, qui se trouvent en situation de surliquidités. Je souhaite que la BCE garantisse ce prêt ou le rachète.

A quoi servira-t-il?

Une grande partie sera consacrée à la transition énergétique. La France, par exemple, dépense un milliard d’euros par jour pour importer des énergies fossiles. Avec, pour conséquence, une certaine complaisance vis-à-vis de pays comme la Russie, les pays du Golfe, le Gabon, ou encore le Niger pour l’uranium. En outre, et alors que l’État s’apprête à injecter une nouvelle fois des milliards dans Areva, certaines entreprises meurent de notre obsession pour le nucléaire.

Une autre part concernera le numérique. Actuellement, l’Union européenne est une véritable colonie américaine dans ce domaine - et pourrait bientôt devenir une colonie chinoise. Il nous faut créer des géants européens du numérique. C’est essentiel pour que cette révolution génère des bénéfices, et ne devienne pas un système de rente comme le pétrole.

Une grande partie sera évidemment destinée à développer les infrastructures de transport du quotidien. Et le dernier point concernera la santé, dans laquelle il faudra réinvestir en masse, notamment en matière de prévention, mais aussi pour penser à un service public du 4ème, voire du 5ème âge.

Pensez-vous réussir à convaincre les partenaires européens de la France?

Le Brexit a montré que le statu quo n’était plus tenable, nous sommes au bord de la rupture de la solidarité européenne. C’est le cas entre le nord et le sud, avec l’exemple grec. Entre l’est et l’ouest, notamment sur le dossier des travailleurs détachés. Mais aussi au sein même de nos sociétés, ce qui favorise la montée de l’extrême-droite un peu partout. Après des années d’austérité, il faut remettre de l’huile dans les rouages, car l’Union européenne risque de disparaître. Et j’ajoute que tous les pans de ce plan d’investissement, à part peut-être ce qui concerne la santé, seront rentables.

Vous comptez également stopper la ratification du Ceta, et les négociations du Tafta…

Effectivement, car ces traités représentent un véritable transfert de souveraineté des États vers les multinationales, avec une harmonisation des normes en faveur de ces dernières.

L’un des problèmes de l’Europe est qu’il existe bien une politique commerciale commune, mais pas de diplomatie ou de politique industrielle commune. Tous les pays défendent leurs champions nationaux. Les États-Unis, eux, ont une autre vision de leur propre économie. En cela, je suis confiant au sujet du Tafta: les Américains ne lâcheront jamais leurs marchés publics.

Comment faire pour harmoniser enfin la fiscalité au sein de l’UE?

Actuellement, la fiscalité n’est pas une compétence européenne, toute décision doit être prise à l’unanimité. Il faut qu’elles soient prises à une majorité qualifiée. Lorsque je vois, par exemple, le patron néerlandais de l’Eurogroupe insulter régulièrement les Grecs, alors que son pays accueille les sièges sociaux de plusieurs multinationales…

Irrémédiablement, il faudra débattre des taux d’imposition. On a sauvé l’Irlande, pour ensuite lui permettre de proposer un impôt sur les sociétés à 12%. Et pour rappel, la moyenne dans l’UE est de 25% tandis que le taux est de 40% aux États-Unis.

Vous préconisez l’arrêt de la vente d’armes aux pays non-démocratiques. Avec le nucléaire, deux industries dans lesquelles la France excelle seront donc impactées. Comment comptez-vous accompagner les salariés de ces filières?

L’âge moyen dans le secteur nucléaire approche des 50 ans. Il faut développer les compétences, car la sortie se fera à l’horizon 2035. Et aujourd’hui, le manque de compétence pose le problème de la sécurité de nos centrales. D’ailleurs à ce stade, je suis pour que l’on recrute dans le nucléaire! Pour le reste, les chiffres parlent d’eux-mêmes: le nucléaire fait travailler 120.000 personnes en France. En Allemagne, 400.000 travaillent dans les énergies renouvelables.

Quelles seront vos principales mesures fiscales?

Je propose, d’abord, de fusionner l’Impôt sur le revenu et la CSG. Mais aussi de changer la fiscalité du patrimoine : je veux rendre, par exemple, la taxe foncière progressive en fonction du revenu. Il y aura également une modulation de la TVA.

Comptez-vous maintenir le nombre de fonctionnaires en France?

Je veux recruter dans l’enseignement, notamment afin que l’encadrement dans les zones difficiles soit renforcé. C’est pour cela que je compte recruter 50.000 fonctionnaires supplémentaires dans l’Éducation. Cela représente un coût de 2,5 milliards d’euros, soit la moitié de la niche fiscale du diesel (l’écart de la fiscalité avec l’essence, ndlr). 

Yann Duvert