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Finances publiques

L'État et le financement religieux: une séparation loin d'être absolue

L'interdiction du subventionnement public des lieux de culte a, depuis l'origine, un caractère relatif. Les premiers aménagements ont été introduits par la loi de 1905 elle-même, puis d'autres dispositions législatives ont étendu le champ des exceptions.

L'interdiction du subventionnement public des lieux de culte a, depuis l'origine, un caractère relatif. Les premiers aménagements ont été introduits par la loi de 1905 elle-même, puis d'autres dispositions législatives ont étendu le champ des exceptions. - Kenzo Tribouillard-AFP

La loi de 1905 interdit toute subvention de l'État aux Églises, mais cela ne signifie pas qu'aucun argent public n'est impliqué dans leur financement. Les contribuables peuvent donner à la religion de leur choix en bénéficiant d'avantages fiscaux et les collectivités locales peuvent apporter un coup de pouce à la construction d'édifices religieux.

Le débat sur le financement public des églises a encore rebondi à l'occasion de la question des subventions éventuelles à la construction de mosquées. Si François Hollande a rappelé son attachement à la loi de 1905, par laquelle l'État ne subventionne directement ou indirectement aucun culte, ce régime de séparation est loin d'être absolu. Le législateur, a aménagé au fil des ans, des dérogations à l'interdiction stricte du financement public des lieux de culte. En France, l'État et surtout les collectivités locales contribuent de différentes manières à subventionner les religions.

Les premiers aménagements ont été introduits par la loi de 1905 elle-même. Ce texte précise que les édifices existants "qui (...) servent à l'exercice public des cultes ou au logement de leurs ministres (...) sont et demeurent propriétés de l'État, des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ayant pris la compétence en matière d'édifice des cultes".

De fait, les communes ont la charge financière de l'entretien de ces édifices existants depuis 1907, constitués à 90% d'églises catholiques. La ville de Paris est, par exemple, "actuellement propriétaire de 96 édifices cultuels, soit 85 églises, 9 temples protestants et 2 synagogues, dont elle doit assurer l’entretien", rappelle le rapport sénatorial de mars 2015 sur le financement des lieux de culte.

Des exceptions d'ordre territoriale

L'Observatoire du Patrimoine Religieux (OPR), cité dans ce document, estime à quelques milliers d'euros par an les dépenses d'entretien d'un édifice cultuel, alors que les travaux de structure importants dépasseraient régulièrement le million d'euros.

Par ailleurs, le régime de séparation défini par la loi de 1905 ne s'applique pas à la totalité du territoire français. Outre-mer, son application est limitée à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion et à Mayotte (mais pas à la Guyane par exemple).

Même dans la métropole, ce régime ne s'applique pas à l'ensemble du territoire. Dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle, qui faisaient partie de l'Empire allemand lorsque la loi de séparation a été promulguée, le régime concordataire continue de s'appliquer. Les quatre cultes (catholique, luthérien, réformé et israélite) sont reconnus. Les curés, pasteurs et rabbins officiant en Alsace et en Moselle sont donc rémunérés par l'État.

Les collectivités locales peuvent garantir des emprunts

Mais l'État participe lui-même indirectement au financement des religion, via l'impôt. Lorsqu'ils font des dons à leur église, les deux-tiers de cette somme vient en déduction de leur impôt sur le revenu. Sauf si ce don dépasse 20% de leur revenu imposable. Cet avantage fiscal vaut pour le denier du culte des catholiques mais également pour toute les autres associations cultuelles, considérées comme des organismes d'intérêt général.

Les collectivités locales ont également bénéficié d'aménagements législatifs assouplissant le régime leur interdisant toute subvention aux religions et à leurs lieux de culte.

Les collectivités territoriales peuvent octroyer des garanties d’emprunts bancaires, mais uniquement dans les agglomérations en développement, pour soutenir la construction d’un édifice du culte. La ville de Créteil et le département du Val-de-Marne ont ainsi garanti un emprunt à hauteur de 1,5 million d’euros dans le cadre de la construction de la mosquée de Créteil, achevée en 2008, rappelle le rapport sénatorial de 2015.

Depuis une ordonnances de 2006, les collectivités ont aussi la possibilité de conclure un bail emphytéotique de long terme (de 18 à 99 ans) pour l'édification d'église, de temples, de synagogues ou de mosquées sur des terrains communaux. Au terme du bail, la collectivité territoriale "devient propriétaire de l'édifice cultuel, mais ne peut le laisser gratuitement à la disposition de l'association cultuelle sans contrevenir au principe d'interdiction du subventionnement public des cultes" rappelle le rapport sénatorial.

Les édifices religieux sont exonérés de manière permanente de la taxe foncière

Selon le code général des impôts (Article 1382-4), les édifices affectés à l’exercice du culte appartenant à l’État, aux départements ou aux communes, ou attribués aux associations, sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette exonération s'étend aussi à leurs dépendances immédiates et nécessaires.

En revanche, sont soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : les édifices servant au logement des ministres des cultes. C'est le cas d'un presbytère hébergeant un prêtre.

Concernant la taxe d'habitation, les édifices du culte propriété d’une association loi 1901 ou d’une association cultuelle sont exonérés de la taxe d’habitation dès lors qu’ils sont ouverts au public et qu’ils ne peuvent pas être regardés comme occupés à titre privatif. Là encore, le presbytère n’est donc pas concerné par cette exonération ni, de manière générale, tout local appartenant à une association cultuelle qui n’est pas affecté à l’exercice du culte et qui, réservé à ses membres, n’est pas accessible au public.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco