BFM Business
Finances publiques

Le premier budget de Macron favorise-t-il "les plus riches"?

Le premier budget d'Emmanuel Macron semble relativement équilibré

Le premier budget d'Emmanuel Macron semble relativement équilibré - Ludovic Marin - AFP

Le projet de loi de Finances a été dévoilé ce mercredi par le gouvernement. L’opposition l’accuse de faire la part belle aux plus hauts revenus. Mais est-ce vraiment le cas?

C'est le grand message des ministres de l'Économie et des Comptes publics: Bruno Le Maire et Gérald Darmanin: assurer que le premier budget du quinquennat Macron profitera à tous. "Tous les Français sans exception bénéficieront de ce budget; et non seulement les plus riches", a encore fait valoir Bruno Le Maire en présentant ce texte ce mercredi.

Il faut dire que l'opposition sait jouer de cette image. Invitée de BFM Business ce mercredi, la députée PS et ancienne rapporteure du budget Valérie Rabault s'est indignée: "Si tout le monde est d'accord pour dire qu'avec les finances publiques nous préférons faire des cadeaux aux plus riches plutôt que d'accompagner ceux qui ont moins de revenus, je ne suis pas d'accord avec ce choix-là'". Dans un communiqué, la secrétaire nationale PS Rita Maalouf a dénoncé un budget "avant tout pour les riches".

Situation complexe

En juillet dernier, l'OFCE avait estimé que sur l'ensemble des mesures destinées aux ménages, 46% des gains iraient aux 10% des Français les plus aisés (soit un niveau de vie de plus de 56.000 euros par an pour un célibataire) voire surtout aux 1% (77.000 euros par an pour un célibataire). Depuis juillet, les choses ont évidemment changé. Mais au final pour ce budget 2018 "le chiffre ne sera pas très éloigné", estime Xavier Timbeau l'auteur de cette étude qui sera prochainement mise à jour.

Peut-on dès lors parler d'un budget à destination des "riches"? "Non. Il y a des transferts complexes qui ne vont pas seulement des ménages modestes vers les ménages aisés. Il est faux de résumer ce budget à 'les ménages aisés y gagnent et les ménages modestes y perdent'. Par exemple la suppression de certaines niches fiscales (ISF-PME, fiscalité de l'assurance-vie) fait que certains ménages aisés seront aussi perdants avec la réforme de la fiscalité du capital. Et si la suppression des cotisations sociales va davantage bénéficier aux hauts salaires, les retraités aisés, eux, vont subir de plein fouet la hausse de CSG", considère Emmanuel Jessua, économiste au Coe-Rexecode, un think tank réputé proche du patronat.

Et en regardant en détail les mesures contenues de le budget, force est de constater que le Budget ne favorise pas que les ménages les plus aisés. Revue de détails.

> Les mesures qui bénéficieront aux plus aisés (4,5 milliards d'euros)

"Ce sont les deux mesures qui bénéficient le plus aux ménages: la transformation de l'ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière) et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU)", rappelle Xavier Timbeau. La première mesure concerne essentiellement les 300.000 contribuables les plus aisés en sortant le patrimoine financier de l'ISF.

La second instaure un prélèvement forfaitaire à 30% sur les revenus du capital, alors que les intérêts, plus-values et les dividendes pouvaient autrefois se voir taxées à près de 60% pour les ménages situés sur la tranche d'impôt les plus élevées. Ces deux mesures prises ensembles représentent 4,5 milliards d'euros de baisses d'impôt (3,2 milliards pour la transformation de l'ISF en IFI, 1,3 milliard pour le prélèvement forfaitaire)

> Les mesures qui profitent aux plus modestes (5,6 milliards d'euros)

Mais le budget 2018 contient aussi son lot de gestes pour les plus modestes. C'est ainsi le cas de la baisse de 30% de la taxe d'habitation pour 80% des ménages (les 20% les plus aisés sont exclus) et dont le coût est estimé à 3 milliards d'euros pour l'an prochain. Une mesure qui risque de profiter d'autant plus aux ménages modestes que le calcul de la taxe d'habitation les dessert. Cet impôt est généralement "moins élevé dans des appartements haussmanniens que dans des HLM récents", expliquait à BFMBusiness.com en février dernier Michel Fréchet, le président de la CGL . La prime d'activité sera aussi revalorisée de 20 euros par mois en octobre 2018, pour redonner du pouvoir d'achat aux Français qui ont les plus faibles revenus. Une décision qui se traduit par une hausse de 936 millions d'euros par rapport au budget 2017.

À cela s'ajoute la revalorisation de l'allocation adulte handicapée à 860 euros (contre 803 actuellement) le 1er novembre 2018, qui va coûter 727 millions d'euros, ainsi que l'élargissement du crédit d'impôt sur les services à la personne (seules les personnes actives y avait droit jusqu'à présent, maintenant les retraités aussi) et qui est évalué à 1 milliard d'euros.

On pourrait également mentionner la hausse du minimum vieillesse, porté à 833 euros en avril prochain, ainsi que la revalorisation de 30% l'aide à la garde d'enfants pour les familles monoparentales, prévue pour octobre 2018. Bercy ne chiffre pas le coût de ces mesures, mais, dans les deux cas, il sera inférieur à 20 millions d'euros.

> Les mesures qui favorisent ou pénalisent tout le monde

Sur la fiscalité écologique, le crédit d'impôt transition énergétique (875 millions d'euros) et la prime de conversion pour acheter un véhicule propre (388 millions d'euros) ne ciblent pas de ménages particuliers même si les ménages aisés sont souvent mieux équipés en automobiles.

De même, la bascule CSG- cotisations sociale schez les salariés doit profiter à l'ensemble des employés du secteur privé. La hausse de CSG de 1,7 point va en revanche pénaliser une majorité de retraités, soit ceux dont la pension dépasse 1289 euros nets. Les plus modestes sont certes épargnés, mais la hausse de la fiscalité va quand même s'appliquer à environ 60% des retraités.

Enfin, la hausse de la fiscalité écologique (3,7 milliards d'euros) comme celle du prix du tabac (500 millions) sont deux mesures qui sur le papier frappent tous les ménages quels que soient leurs revenus. Mais, comme Xavier Timbeau le souligne, "relativement à leurs revenus, les ménages peu aisés sont plus impactés, car le tabac représente une part plus élevés de leurs dépenses".