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Finances publiques

Les effets pervers des baisses de charges sur les bas salaires

La Cour des comptes réclame davantage d'information sur les effets des baisses de charges

La Cour des comptes réclame davantage d'information sur les effets des baisses de charges - Thomas Samson - AFP

La Cour des comptes pointe, dans un référé rendu public ce mardi 21 avril, les possibles effets pervers des allègements de cotisations sociales. Si elles ont des impacts bénéfiques sur l'emploi, elles risquent de "tasser" les salaires autour du SMIC.

C'est la base même du pacte de responsabilité de François Hollande qui est potentiellement mise en cause. Pour rappel, la mesure phare de ce "pacte", entré en vigueur en janvier prochain, consiste en une exonération totale des cotisations patronales au niveau de SMIC avec, ensuite, des allègements dégressifs entre 1 et 1,6 SMIC (soit environ 2.313 euros bruts).

Cette mesure revient de facto à intensifier des réductions de charges qui existent déjà, c’est-à-dire les allègements Fillon, ainsi que les autres dispositifs mis en place depuis le début des années 2000.

20,64 milliards d'euros

Dans un référé publié ce mardi 21 avril et adressé au gouvernement en février, la Cour des Comptes explique avoir passé au peigne fin "les conditions de pilotage et de suivi" de ces précédentes baisses de charges.

Les Sages de la rue Cambon indiquent que ces allègements de charges avaient bénéficié en 2013 à 10,65 millions de salariés et à 1,49 million d'employeurs, pour un coût total de 20,64 milliards d'euros. Ce qui en faisait, déjà "la plus importante niche sociale", soulignent-ils.

Dans ce texte, la Cour pose uniquement en filigrane la question de l'efficacité économique de ces allègements. Elle reconnaît ainsi qu'il existe "un large consensus administratif et académique pour estimer que les allègements de cotisations sociales ont un effet favorable sur l'emploi".

Au Smic pour toujours?

Toutefois la Cour remarque que ces retombées positives n'ont pas été sans effet collatéraux sur le niveau des salaires en France. En effet le "tassement de l'échelle des rémunérations autour du SMIC, observé au cours des années 2000, suggère que le phénomène de 'trappe à bas salaires' se manifeste pour partie".

Explication. La grande crainte autour de ces allègements est que, s'ils facilitent les recrutements pour l'employeur, ils créent aussi une espèce de double peine lorsque ce dernier veut augmenter son employé.

"Si un salarié rémunéré autour du Smic est augmenté, l'entreprise devra financer cette hausse de salaire mais aussi supporter une réduction des allègements de cotisations patronales, puisque ceux-ci sont plus faibles quand le salaire augmente", soulignait déjà un rapport d'information du Sénat de 2008.

Pas de "risque significatif" pour le gouvernement

Le risque est donc que "les salariés rémunérés à un niveau proche du Smic le reste longtemps, voire durant toute leur vie", peut-on lire dans ce même document. Voilà ce qu'est "la trappe à bas salaire".

Dans leur réponse adressée à la Cour, les ministres de la Santé, des Finances, et du Travail, Marisol Touraine, Michel Sapin et François Rebsamen balaient cette hypothèse d'un revers de la main.

"D'un point de vue théorique, il pourrait exister un risque de 'tassement' des rémunérations vers le bas de l'échelle des salaires (…)", écrivent-ils. Mais "les principales études dans le cas de la France ne laissent cependant pas apparaître de risque significatif", ajoutent-ils. "Si une telle trappe devait exister, ses effets seraient en tout état de cause très modestes étant donnés les paramètres actuels des allègement généreux", concluent-ils.