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Economie et Social

Les énarques priés d'être des managers: c'est pas gagné

L'ENA a formé plus de 6.500 hauts fonctionnaires français depuis sa création

L'ENA a formé plus de 6.500 hauts fonctionnaires français depuis sa création - Patrick Hertzog-AFP

Le gouvernement s'apprête à réformer la scolarité de nos futurs hauts fonctionnaires afin d'en faire des "managers du changement". Problème: la précédente réforme de l'ENA lancée sous Sarkozy poursuivait déjà ce but...

Les 90 élèves qui vont intégrer l'Ecole nationale d'administration en janvier prochain ne seront pas de simples futurs hauts fonctionnaires mais des "managers du changement". C'est du moins ce qu'espère Thierry Mandon,le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. 

Le gouvernement s'apprête en effet à réformer la scolarité de l'école phare de l'élite de la république. Il n'est pas le premier. Une douzaine de réformes est intervenue depuis la création de l'école en 1945.

"Ce que nous devons produire, ce sont des gens très intelligents, très brillants, très experts mais qui ont la capacité d'engager, de porter, de manager, d'animer les changements", expliquait voici peu aux Echos Thierry Mandon qui reconnaît avoir raté l'ENA dans sa jeunesse. 

Côtoyer les usagers

En pratique, la scolarité fera la part plus belle aux techniques de management et aux nouvelles technologies au détriment de la sacro-sainte culture générale. Le stage en entreprise, l'une des fiertés des responsables de l'école depuis les années 70, ne se fera plus systématiquement dans les grandes entreprises, dont certaines sont dirigées par d'anciens...énarques ayant pantouflé. Le gouvernement veut que les futures élites se coltinent avec la réalité des PME. 

Autre grande réforme: les apprentis hauts fonctionnaires vont être contraints de faire un "stage guichet" de 15 jours minimum au contact des usagers plutôt qu'un traditionnel "stage de préfecture" à écrire les interventions du préfets. On se demande pourquoi a-t-il fallu attendre aussi longtemps pour instaurer une telle obligation. 

Qualités relationnelles réclamées

Dès cet été, le concours d'entrée va également changer. Une "épreuve collective d'interaction", va être organisée. "L'objectif de cette épreuve est de tester les qualités relationnelles des candidats: capacité de dialogue, d'écoute, de conviction", lit-on sur le site de l'ENA. Mais la direction de l'école ne dit pas comment ces qualités pourtant essentielles étaient prises en compte auparavant. 

Autre nouveauté en 2015, le fameux grand oral, c'est à dire l'entretien avec le jury si redouté des candidats, va désormais "s'inscrire résolument dans une démarche de recrutement", dixit le site de l'ENA. "Il vise à estimer la personnalité, la motivation et le parcours des candidats ainsi que leur compréhension des enjeux et des valeurs du service public". 

En revanche, l'épreuve d'anglais ne sera obligatoire qu'en.... 2018, " afin de laisser aux futurs candidats le temps nécessaire pour se mettre à niveau" ! 

Le fameux classement de sortie survivra à la réforme

Pas question en revanche pour le gouvernement de remettre en cause le fameux classement de sortie qui permet aux dix meilleurs élèves de choisir quasi-automatiquement les trois "grands corps", Conseil d'Etat, Inspection des finances et Cour des comptes. En 2008, le président -non-énarque- Nicolas Sarkozy et son premier ministre François Fillon, également non-énarque- avaient bien tenté de faire supprimer cette épreuve pour la remplacer par des entretiens d'embauche classiques avec les responsables des administrations qui recrutent. 

Devant la bronca des anciens élèves et de nombre de parlementaires, en particulier socialistes, le classement a été maintenu après trois tentatives infructueuses de suppression. Visiblement, le gouvernement de Manuel Valls, un autre non-énarque, n'est pas décidé à rouvrir ce débat risqué. Tout au plus, le classement, symbole de la reproduction des élites, devrait être seulement "allégé" avec un nombre d'épreuves réduit.

Mais avant que le gouvernement présente officiellement sa réforme dans les prochaines semaines, il n'est pas exclu que François Hollande, élève de la promotion Voltaire de 1980, donne son avis. 

Patrick Coquidé