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Lutte contre la corruption: le timide pas en avant de la France

"Le projet de loi "Sapin II", présenté en Conseil des ministres ce mercredi, prévoit plusieurs dispositifs visant à combler les failles du pays en matière de lutte anti-corruption. Mais il sera amputé de sa mesure phare, retoquée par le Conseil d’État. "

C’est un projet de loi au goût d’inachevé qui sera présenté au Conseil des ministres, mercredi. Le texte, destiné à devenir la loi "Sapin II" sur la lutte anti-corruption, a en effet été amputé de sa mesure emblématique: la transaction pénale, retoquée par le Conseil d'État.

Cette disposition devait permettre aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de payer une amende, plafonnée à 30% de leur chiffre d'affaires moyen sur les trois dernières années, pour s'éviter un procès - sur le modèle du "plaider coupable" américain.

Ce type de procédure existe dans beaucoup de pays: aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Italie. Elle aurait permis à la France d'éviter qu'une entreprise française ne tombe sous le coup de la justice étrangère. Car si légalement, rien n'empêche deux pays de poursuivre une entreprise pour les mêmes faits, il est rarissime que ce genre de situation ne survienne.

BNP Paribas, un électrochoc

L'affaire BNP Paribas avait servi d'électrochoc. Pour Bercy, il n'est en effet plus question de laisser à d'autres Etats le soin de faire de sanctionner les contrevenants. Car ce sont des milliards d'euros qui échappent, ce faisant, à la France et profitent à d'autres pays -les États-Unis essentiellement.

Sur BFMTV, Michel Sapin a déclaré: "je veux que ce soit la justice française qui fasse le ménage. C'est une forme de souveraineté". Et il a ajouté: "une entreprise française, si elle commet des faits de corruption à l'extérieur, doit être jugée en France".

Lobbies, agence de prévention et lanceurs d'alertes

La loi Sapin II doit permettre à la France de rattraper son retard en matière de lutte anti-corruption, par le biais de plusieurs mesures.

Elle prévoit notamment la création d'une "agence nationale de prévention et de détection de la corruption". Placée sous l'autorité conjointe des ministres des Finances et de la Justice, cette dernière sera chargée de contrôler la mise en place de programmes anti-corruption dans les entreprises de plus de 500 salariés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d'euros.

Le texte, qui intègre des articles de l'ex-loi Noé (nouvelles opportunités numériques), que devait porter Emmanuel Macron, prévoit aussi l'instauration d'un registre obligatoire des lobbyistes, sous la tutelle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). "Pour exercer auprès de l'État sa fonction de représentant d'intérêt, il faudra être enregistré sur ce registre", consultable par tous, souligne Bercy, qui souhaite interdire les cadeaux d'une valeur significative aux agents publics, sous peine de sanctions.

La loi intégrera par ailleurs des mesures obligeant les industriels à publier leurs comptes -promises début mars aux éleveurs confrontés à la crise agricole- et la mise en place d'un statut protecteur pour les "lanceurs d'alerte", très attendu par les ONG.

Dans le classement de l'ONG Transparency international, la France occupait en 2015 le 23ème rang en termes de lutte contre la corruption, sur 104 pays notés. Loin, très loin même, derrière les pays d'Europe du Nord, mais aussi l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis.

Y.D. avec C.M. et AFP