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"Merci patron": un prestataire de Renault mis à pied deux fois

L’agent était en mission au Technocentre de Guyancourt (Yvelines)

L’agent était en mission au Technocentre de Guyancourt (Yvelines) - MEHDI FEDOUACH / AFP

"Un salarié d’EuroDecision en prestation à Guyancourt chez Renault a été mis à pied une première fois pour un mail adressé aux syndicats du groupe et une deuxième pour avoir enregistré discrètement un entretien avec son patron."

"Merci Patron, quel plaisir de travailler pour vous". La chanson des Charlots est devenue le titre d’un film social, drôle et décapant, résumé par Le Monde en quelques mots: "Infiniment drôle, malhonnête, mais moral, efficace. C’est la rencontre de Karl Marx et de Frank Capra".

Réalisé par François Ruffin, rédacteur en chef du journal satirique Fakir, le film raconte le combat d'un couple d'anciens ouvriers du groupe LVMH dont l’usine a été délocalisée en Pologne et qui arrive à soutirer de l'argent à Bernard Arnault. Cette semaine, au lieu des 50.000 entrées prévues par la production, ce sont plus de 220.000 spectateurs qui ont été le voir. Un vrai succès.

Mais pour cet ingénieur en prestation chez Renault, il sera un mauvais souvenir, et pour longtemps. L’agent qui prend le pseudonyme d’Henri, 10 ans d’ancienneté chez Renault et 4 ans chez EuroDecision, son employeur, est également bénévole chez Fakir. Il était en mission au Technocentre de Guyancourt (Yvelines) et vient d’être mis à pied pour avoir invité par mail les syndicats du constructeur automobile à une diffusion du film.

L'agent a indiqué à Fakir le contenu de cette invitation envoyée le 15 mars aux syndicalistes Sud, CGT, CFDT, FO et CGC. "Bonsoir, je suis actuellement prestataire au TCR. Mais ce qui m’amène surtout est le fait que je suis très humblement bénévole du journal Fakir". Il leur offre une projection gratuite du film chez Renault.

L'utilisation de "moyens internes à Renault"

L’employé a adressé le courriel en dehors de ses heures de travail, depuis son domicile et sur son ordinateur personnel. Dès le lendemain, son employeur l'a "mis à pied en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave".

En fait, le motif des sanctions ne porterait pas sur le contenu du message. Renault accuse le prestataire d’avoir utilisé l'Intranet du groupe pour obtenir les adresses mails des syndicats. Un acte qui va à l’encontre de la charte d’utilisation de l’informatique, selon un porte-parole de Renault qui a toutefois précisé à l’AFP que le groupe n’avait donné "aucun cas de recommandation à l'employeur sur la suite à donner" concernant d'éventuelles sanctions disciplinaires. Henri pense le contraire: "Renault, c’est notre plus gros contrat. Ça représente la majorité de notre chiffre d’affaires, alors lui [le PDG d’EuroDecision, NDLR], j’imagine, il est un peu obligé de se coucher."

Dans un courrier, reproduit en partie par Sud et publié par l’AFP, EuroDecision évoque l'utilisation de "moyens internes à Renault" pour envoyer un "courriel politique". Renault "s'est plaint de cette utilisation par vos soins à des fins personnelles et non professionnelles", est-il écrit.

Mais pour Henri, l’affaire ne s’arrête pas là car il fait l’objet d’une seconde procédure identique qui démarre par une mise à pied. Elle porte cette fois sur l’enregistrement de la conversation avec son PDG dont une partie a été mise en ligne sur le site de Fakir. Henri admet avoir réalisé cet enregistrement "au cas où".

Pascal Samama