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Economie et Social

Migaud : « L’Etat n’est pas bien géré »

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Franchises médicales, pouvoir d’achat, compétitivité, redevance télé, TVA… Didier Migaud, Président de la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale et député socialiste de l'Isère, revient sur tous ces sujets et charge la politique du gouvernement.

J-J B : Regardons l’actualité, apparemment les franchises médicales ne seront pas remboursées par les complémentaires santé, mutuelle ou assurance…
D M : Oui, c’était attendu, ce qui fait de ces franchises ou de ces nouvelles taxes un véritable sujet. On voit bien que pour les complémentaires elles ont très sensiblement augmenté ces dernières années, on nous annonce de nouvelles augmentations. Ces complémentaires sont de moins en moins abordables pour le plus grand nombre des personnes.

J-J B : Vous qui êtes socialiste, j’imagine que vous le regrettez ?
D M : C’est évident. Ce que l’on peut regretter c’est une politique très sélective qui ne fait que culpabiliser le malade et qui s’intéresse très peu à l’offre de soin.

J-J B : Cela dit il faut trouver de l’argent…
D M : De l’argent il y en a, il suffit qu’il soit parfois mieux réparti.

J-J B : Et il y a de l’argent où ?
D M : La France est un pays où il y a de l’argent. L’argent est dans l’épargne, dans la rémunération d’un certain nombre de personnes. Même si la situation des comptes publics dans notre pays est particulièrement dégradée. Effectivement les marches de manœuvre sont très étroites d’où la nécessité justement de ne pas les gaspiller. Il est quelque peu paradoxal de voir le Premier Ministre, le Président de la République nous expliquer que le pays est en faillite et que les caisses sont vides et sans cesse proposer des dépenses fiscales.

J-J B : Cela dit il faut attendre de voir si les heures supplémentaires défiscalisées sur le paiement des jours de RTT peuvent être efficaces. Est-ce que ça peut l’être ?
D M : Je prends un exemple : On nous annonce cet été qu’on va payer plus cher les heures supplémentaires au-delà de la trente cinquième heures, 25% de plus. Maintenant on nous annonce qu’on va avoir la possibilité de racheter d’une certaine façon les jours de RTT qui seront proposés à 10% supplémentaire. Le chef d’entreprise va donc choisir de proposer de racheter les RTT plutôt que de payer des heures supplémentaires. La mesure qui vient d’être annoncée tue totalement la mesure annoncée cet été. On peut donc s’interroger sur la cohérence des propositions de ce Gouvernement. On a l’impression que dès qu’on a un sujet il faut immédiatement, sans étude préalable, reprendre une proposition pour montrer aux français qu’on s’occupe d’eux. La politique du pouvoir d’achat est très liée à la politique économique, budgétaire, industrielle, fiscale que l’on conduit. Si on a ce genre de problèmes aujourd’hui c’est parce que la politique que l’on conduit depuis plusieurs années, a échoué sur le plan de la préservation du pouvoir d’achat.

J-J B : Il faut créer de la richesse pour pouvoir la répartir ensuite ?
D M : Mais dîtes moi ce que le Gouvernement propose aujourd’hui pour améliorer l’attractivité, la compétitivité de nos entreprises ? On nous dit beaucoup qu’il ne faut pas opposer une politique de la demande à une politique de l’offre. Il faut seulement se préoccuper de la consommation de nos concitoyens. Il faut aussi mettre les entreprises dans la situation d’avoir le meilleur environnement possible dans le cadre de la mondialisation à laquelle nous sommes confrontés. A part l’impôt recherche, je vois peu de mesures qui favorisent la compétitivité des entreprises.

J-J B : Alors que faire pour favoriser la compétitivité des entreprises ?
D M : Il faut peut être conditionner les charges des entreprises, parce que vous savez qu’il y a une somme considérable qui est justement consacrée à la réduction de cotisation sociale. De la même façon que vous avez à peu près 60 milliards globalement en direction des entreprises mais ce sont peut être des aides qui ne sont pas suffisamment évaluées au regard de leur efficacité attendue par rapport aux objectifs qui peuvent être l’emploi ou une politique salariale.

J-J B : Il faut favoriser, obliger les entreprises à conduire une politique salariale ? Soyons clairs, il faut augmenter les salaires ?
D M : A partir du moment où vous mettez des crédits publics sur la table, c’est normal que vous puissiez dire si vous vous êtes prêt à mettre des crédits publics mais attendre aussi de savoir ce que de l’autre côté il va se passer.

J-J B : Sur le pouvoir d’achat, sur les mesures annoncées, j’ai vu que l’UMP vous demandait à vous socialistes de ne pas leur mettre de bâtons dans les roues à l’Assemblée Nationale, c'est-à-dire ne pas préparer trop d’amendements. Qu’est ce que vous allez faire ?
D M : Nous n’allons absolument pas freiner les débats. La majorité doute-elle d’elle-même ?

J-J B : Ils disent qu’il faut absolument faire passer ces mesures le plus vite possible à l’Assemblée…
D M : Le Gouvernement est en place depuis plus de six mois, je constate qu’il a pris de mauvaises mesures en juillet. Il pouvait faire de nouvelles propositions alors pourquoi ne les fait-il que maintenant. Il a la capacité d’agir.

J-J B : Il les fait trop tard en fait ?
D M : Non, je crois que ce qui a été dit à travers l’expression que vous reprenez, c’est qu’il a été envisagé à un moment donné que les mesures du pouvoir d’achat puissent être présentées dans le cadre d’une niche parlementaire de l’UMP. Quand on sait que le moment de la discussion d’une proposition parlementaire c’est seulement une matinée, on nous demandait pratiquement de ne pas amender pour que les mesures passent. Je ne crois pas que ce sont de bonnes méthodes.

J-J B : Donc vous allez amender ?
D M : Le Gouvernement va proposer un texte de loi et nous allons amender bien sûr puisque ce que nous proposons c’est une autre politique mais sans aucune volonté d’obstruction de notre part, nous mettrons sur la table un certain nombre de propositions qui seront formulés, le débat aura lieu et je pense sera tranché par la majorité, telle qu’elle a décidé de trancher.

J-J B : Un mot sur l’exonération de la redevance télé, 800 000 foyers, la plupart modestes, bénéficiaient de cette exonération. C’est fini à partir du 1er janvier. Si j’ai bien compris, les foyers paieront 58 euros la première année et ensuite 116 euros comme tout le monde ?
D M : Oui pour le moment c’est un amendement présenté par la majorité UMP qui passe. C’est une décision qui a été prise il y a trois ans et elle passe aujourd’hui parce que le Gouvernement qui été à l’époque UMP avait décidé que cette mesure ne s’appliquerait qu’après les élections présidentielles et législatives parce qu’il fallait surtout pas que 800 000 personnes se voient privées de l’exonération de la redevance télé en pleine campagne présidentielle, ça faisait désordre. Ils avaient oublié qu’il y avait des élections municipales, juste après les élections législatives et présidentielles donc du coup, beaucoup de députés UMP sont confrontés à des gens qui viennent dans leur permanence en disant qu’ils ne comprennent pas. Ils essaient de tempérer, ils vont essayer de proposer une sortie progressive, mais cette mesure restera et il y aura 800 000 personnes qui ne payaient pas la redevance parce qu’elles étaient dans une situation particulièrement modestes et demain elles la paieront.

J-J B : Vous allez vous battre contre cette mesure ?
D M : On s’était battu il y a trois ans, on avait été peu relayé.

J-J B : A propos de la redevance télé, est ce qu’il faut indexer le montant de cette redevance sur les revenus de chacun ?
D M : Je suis pour que la fiscalité progressive soit plus importante qu’elle ne l’est, je trouve qu’il y a un mauvais équilibre entre la fiscalité proportionnelle et la fiscalité progressive. Cela dit tout ne peut pas être en fonction des revenus. Je pensais d’ailleurs que la redevance était un impôt qui ne se justifiait pas.

J-J B : Il faut la supprimer ?
D M : Je ne le dirais pas en fonction de la situation de nos comptes publics, je ne pense pas que ce ne soit possible. Il faut aussi être responsable. Il faut tenir compte de la situation des personnes modestes et prévoir un système d’abattement, d’exonérations qui tiennent compte des revenus.

J-J B : Est-ce que l’Etat est bien géré ?
D M : Je ne crois pas.

J-J B : Pourquoi ?
D M : Quand vous voyez que nous sommes parmi les pays qui ont un des déficits les plus élevés, le chômage l’est tout autant. Il y a une certaine inefficacité dans les politiques qui sont conduites, je pense qu’on peut mieux faire.

J-J B : Mais quand l’Etat a réussi à trouver un peu plus de trois milliards d’euros pour donner cet argent à l’université, c’est une bonne ou mauvaise idée ?
D M : L’objectif renforcer les universités et faire en sorte qu’elles soient plus attractives, qu’elles aient des moyens plus important, c’est un objectif que j’approuve totalement mais le moyen de financer ne me parait pas le mieux adapter.

J-J B : Je regardais les finances de l’Etat, les recettes de l’impôt sur la société sont bonnes, elles progressent, en revanche, les recettes de la TVA sont en baisse…
D M : Oui, d’ailleurs, ça devrait étonner, parce que si j’écoute le Gouvernement, la consommation se porte bien et le pouvoir d’achat évolue positivement. Donc normalement ça devrait donner des recettes de TVA beaucoup plus importantes or ça n’augmente pas autant que prévu. Ça montre bien qu’il y a quelques difficultés.

J-J B : Vous proposez donc une baisse de la TVA ?
D M : Ce que nous disons c’est qu’il y a un signe à adresser aujourd’hui à l’ensemble des consommateurs pour lutter contre la vie chère. Il faut aussi re-poser le problème de la fiscalité la plus juste possible, d’une nouvelle répartition entre la fiscalité directe, la fiscalité indirecte. On a trop baissé la fiscalité directe et progressive au détriment du coût de la fiscalité indirecte et proportionnelle et alors même qu’on baisse la position de nos concitoyens parmi les plus aisés, on a quand même rendu cet été 50 milles euros en moyenne à 2300 contribuables. On peut se demander si c’était utile et pertinent d’autant qu’on voit bien que du coût je crains que sur l’année 2008 on soit confronté à des augmentations.

J-J B : Ségolène Royal doit-elle devenir premier Secrétaire du PS ?
D M : Il faut d’abord qu’elle soit candidate.

J-J B : Quel est votre avis ?
D M : Mon avis c’est que j’en ai assez de voir les problèmes des gens occupés le premier plan de l’actualité du Parti Socialiste. Le problème du PS ce n’est pas de savoir qui d’entre nous doit pouvoir se présenter la prochaine fois aux élections présidentielles, c’est de réinvestir le champ des idées, de faire un certain nombre de propositions, et de passer du je au nous. Il y en a assez de ces socialistes qui s’expriment trop souvent à titre personnel et pas suffisamment collectivement au nom du collectif. C’est à elle qui revient de dire si elle souhaite devenir premier secrétaire, on ne décrète pas qu’on est du jour au lendemain premier secrétaire, il y a donc un débat.

J-J B : Vous êtes favorable à ce qu’elle le devienne ?
D M : Je ne veux pas raisonner en fonction de la personne, je veux raisonner en fonction des propositions qui sont formulées.

La rédaction-Bourdin & Co