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Niches fiscales : menace écartée pour les services à la personne, pas pour l’immobilier

Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics.

Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics. - AFP

Le secteur des services à la personne sera protégé d’une éventuelle refonte des niches fiscales. En revanche l’immobilier s’inquiète.

Les deux ministres de Bercy sur la même longueur d’ondes, c’est une garantie pour un secteur qui voyait avec inquiétude se développer le débat sur les niches fiscales. Débat entamé en début de semaine par Gérald Darmanin, qui affirmait dans Le Parisien vouloir cibler les « 14 milliards d'euros » de niches fiscales pour les particuliers soumis à l’impôt sur le revenu.

Le calcul était vite fait, le chiffre englobait forcément les 4,76 milliards € du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, première des niches fiscales pour les ménages. Or le secteur est ultra-sensible aux évolutions de la fiscalité, et la bascule vers le travail au noir suit presqu’exactement les évolutions des dégrèvements qui sont accordés aux particuliers employeurs. Dans un récent baromètre, le numéro1 du secteur en France, Ouicare, constatait une généralisation de ce qu’il appelle le « travail gris », « on ne déclare qu’une partie des heures qui sont réellement effectuées » explique Guillaume Richard, « or on constate que la part non déclarée commence quand le particulier est arrivé au plafond des aides fiscales auxquelles il a droit ».

En 2013, une recrudescence du travail gris, avait déjà été constatée concernant la quasi-totalité des activités . En 2018, on constate que le travail au noir a plutôt tendance à baisser (sauf pour l’aide au seniors +8%) alors que le travail gris augmente sur toutes les activités, notamment sur les seniors et le jardinage.

La perception des particuliers est d’ailleurs souvent fausse : « l’information sur les avantages fiscaux s’est dégradée » affirme Ouicare, « en 2018, 50% des personnes se disent mal ou très mal informées des avantages fiscaux et financiers accordés à ceux qui déclarent leurs employés à domicile, contre 46% en 2013. 77% des personnes savent qu’il est possible d’avoir un crédit d’impôts en faisant appel à une personne déclarée, en revanche il y a une vraie méconnaissance du taux de ce crédit ».

Mise au point catégorique

Il a donc fallu moins de 48 heures pour faire une mise au point catégorique, et elle a été portée par Gérald Darmanin lui-même : « Je ne crois pas que ce soit la niche qu'il faut en premier toucher », a-t-il dit sur BFM TV, « personnellement je ne suis pas favorable à toucher les emplois à domicile », et dans le même temps par Bruno Le Maire de manière bien plus catégorique : « ne touchons pas à ce qui marche, moi je suis très attaché aux services à la personne, je considère que les services à la personne et les aides qui sont apportées sont un immense succès ».

Selon les informations de BFMbusiness, Bruno Le Maire n’avait pas apprécié la sortie de son collègue des comptes publics, il a tenté d’encadrer le débat : « Regardons à l'occasion de ce grand débat national les niches qui sont efficaces et celles qui ne le sont pas. Et celles qui ne le sont pas, on peut soit les supprimer soit les limiter ». Une fois qu’on écarte les services à la personne, qu’elle pourrait être la prochaine cible ? Tout ce qui touche à la transition énergétique et aux travaux de rénovation ? « Elles pourraient être mises sous conditions de ressources » dit Gérald Darmanin, pendant que les services de Bruno Le Maire laissent entendre qu’ils seraient favorable à une réévaluation des taux de réduits de TVA pour un certain nombre de professions artisanales

Menace sur les propriétaires

Mais c’est le secteur de l’immobilier qui se sent visé à son tour. Gérald Darmanin a refusé de se prononcer sur la réduction d'impôt Pinel pour les investissement locatifs, en revanche Bruno Le Marie a confirmé la piste d’une imposition des plus-values à la revente des résidences principales, pour le moment exemptées : « c'est une piste de travail, du moment qu'on parle bien des résidences principales à un niveau très élevé, qu'on regarde pour les très gros biens immobiliers, où visiblement il y a pu avoir un avantage qui peut être taxé, pourquoi pas, mais faisons attention aux Français, aux contribuables, nous sommes là pour baisser les impôts ».

Est-ce une manière de botter en touche ? Le secteur immobilier sonne en tout cas dores et déjà l’alerte : « le signal envoyé aux propriétaires serait catastrophique » s'insurge la principale fédération de propriétaires, l’unpi « un propriétaire s'investit sans cesse, il paie des charges, réalise des travaux l'immobilier est déjà suffisamment taxé ». Là encore, le secteur de la construction, sous le précédent quinquennat, avait montré combien il était sensible aux incitations fiscales, et le dispositif Duflot avait marqué un coup d’arrêt significatif avant qu’il soit remplacé en urgence.

En ouvrant le débat, Gérald Darmanin disait s’exprimer en « citoyen de la République ». 48 heures après, il réalise qu’il a ouvert un débat politiquement porteur, mais économiquement très risqué. L’ensemble de ces niches sont indispensables à la respiration de systèmes par ailleurs très taxés. Vouloir les modifier sans une réforme fiscale d’ampleur peut se révéler dévastateur.