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Nucléaire: le plan du gouvernement pour les 15 prochaines années

VIDÉO - Le ministère de la transition écologique planche sur une feuille de route visant à fermer seulement une dizaine de réacteurs d'ici à 2035 au plus tard.

Tout pour sauvegarder le nucléaire. Le gouvernement lance aujourd’hui les débats sur la politique énergétique de la France pour les vingt prochaines années. Mais le ministère de la Transition écologique planche déjà sur une feuille de route assez précise. En novembre dernier, le Réseau de Transport d’Electricité (RTE) avait présenté cinq scénarios de transition énergétique à horizon 2030-2035. Le gouvernement en a rapidement sélectionné deux pour approfondir ses travaux. Mais depuis quelques semaines, il étudie l’un plus que l’autre. Dans les échanges avec les associations environnementales ou les industriels, le scénario qui "ferme le moins de réacteurs nucléaires est clairement privilégié" explique le représentant d’une association qui participe aux réunions ministérielles.

Dans un document que BFM Business s’est procuré, l’administration cible un objectif de 56% de nucléaire dans la production électrique à horizon 2035 contre 75% aujourd’hui (le gouvernement acte ainsi définitivement un retard de dix ans sur la loi de transition énergétique écrite en 2015 par Ségolène Royal). Pour y parvenir, le plan prévoit la fermeture de onze réacteurs dont les deux de la centrale alsacienne de Fessenheim. L’autre scénario vise 46% de nucléaire toujours 2035 et prévoit d’en fermer dix-huit, soit un tiers du parc nucléaire français.

Ce scénario n’est pas le plus privilégié par l’Etat qui préfère celui qui correspond davantage à ce que souhaite EDF. L’électricien milite depuis plusieurs mois pour préserver le maximum de réacteurs nucléaires jusqu’en 2035 afin de les exploiter au maximum, jusqu’à l’âge de 50 ans. Le groupe a toujours envisagé de fermer, en dehors de Fessenheim, les deux plus vieilles centrales, Bugey et Tricastin, ce qui porterait à dix le nombre de réacteurs fermés…

Pari osé sur les exportations

L’option sur laquelle planche donc le gouvernement a aussi l’avantage de développer fortement les énergies renouvelables en portant leur production à 40%, même si le second schéma les propulse à 49% de la production d’électricité. Cette solution semble conforter les deux "clans" en conservant beaucoup de nucléaire et en augmentant les énergies renouvelables. Elle permet surtout de limiter les subventions publiques à environ 70 milliards d’euros sur la période 2017-2030. Bémol de taille, dans un marché déjà en excès de capacité de production, en rajouter va aggraver le déséquilibre. D’autant qu’EDF prévoit pour les vingt prochaines années une stabilisation de la consommation en France.

Le gouvernement a trouvé la parade en misant sur les exportations d’électricité! Il prédit qu’elles doubleront d’ici 2035 tout en misant sur un manque de capacité de production de nos voisins européens, notamment la Grande-Bretagne et l’Italie. Un pari audacieux, voire utopique, car tous les pays cherchent à assurer leur indépendance énergétique. Sans demande extérieure, la surproduction ne se transforme pas en exportation mais fait baisser les prix au détriment des finances d’EDF… Sans pour autant redresser celles de la France. L’excédent commercial "électrique" passerait certes de 2 à 4 milliards d’euros. Pas de quoi compenser une facture pétrolière qui atteint près de 40 milliards d’euros aujourd’hui.

Impact nul sur l'emploi

Seul avantage certain, l’impact sur l’emploi. Plusieurs protagonistes au cœur des échanges avec le gouvernement rapportent que "le choix de cette trajectoire énergétique est largement motivée par son impact nul sur l’emploi". Selon le document ministériel, la fermeture d’une dizaine de réacteurs entraînera la suppression de 35.000 emplois entre 2017 et 2035 quand l’essor des énergies renouvelables en créeront 36.000 sur la même période.

Loin des idéaux écologiques de Nicolas Hulot, cette feuille de route gouvernementale s’assoit d’abord sur la sauvegarde du nucléaire pour stabiliser les finances d’EDF. Certes, le bilan carbone est heureusement positif. Mais l’essor des énergies renouvelables est avant tout dicté par des impératifs financiers et sociaux. La conversion d’Emmanuel Macron à l’écologie passe d’abord par l’économie.

Matthieu Pechberty