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Pas de "règle d'or" à l'allemande pour les finances de la France

Nicolas Sarkozy entouré du Premier ministre François Fillon (à gauche) et du président du Sénat Gérard Larchet (à droite). Lors de la deuxième conférence nationale sur les déficits, le chef de l'Etat a annoncé son intention d'inscrire dans la Constitution

Nicolas Sarkozy entouré du Premier ministre François Fillon (à gauche) et du président du Sénat Gérard Larchet (à droite). Lors de la deuxième conférence nationale sur les déficits, le chef de l'Etat a annoncé son intention d'inscrire dans la Constitution - -

par Emmanuel Jarry PARIS - Nicolas Sarkozy s'est efforcé jeudi d'adresser un signal aux marchés et à ses partenaires européens en annonçant son...

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - Nicolas Sarkozy s'est efforcé jeudi d'adresser un signal aux marchés et à ses partenaires européens en annonçant son intention d'inscrire dans la Constitution un renforcement de la procédure de pilotage des finances publiques.

Mais la réforme constitutionnelle annoncée par le président de la République, lors de la deuxième conférence nationale sur les déficits, reste très en retrait de la "règle d'or" inscrite dans la Constitution allemande.

L'Allemagne a inscrit dans son texte fondamental une disposition qui lui donne jusqu'à 2016 pour limiter son déficit structurel (hors impact de la conjoncture économique) à 0,35% du PIB et proscrit à partir de 2020 les déficits dans les Länder.

Nicolas Sarkozy propose pour sa part d'inscrire dans la Constitution française l'obligation pour le gouvernement de s'engager pour cinq ans, en début de législature, sur une "trajectoire impérative de solde structurel" et sur une date à laquelle l'équilibre devra être atteint.

Le député Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, n'écarte pas complètement la possibilité que la France en vienne, plus tard, comme l'Allemagne, à un objectif chiffré inscrit dans sa Constitution. Mais ce n'est clairement pas le cas aujourd'hui.

"Ce n'est pas une règle d'or à l'allemande", souligne le président centriste de la Commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, même s'il voit dans la réforme annoncée "un vrai engagement vers l'équilibre des finances publiques".

PAS DE CONSENSUS

Pour le président socialiste de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, "ce n'est qu'une procédure de plus".

"Ça n'a rigoureusement rien à voir avec les Allemands. Ça n'est qu'un symbole", a déclaré à Reuters Jérôme Cahuzac. "C'est une mesure que le président de la République juge nécessaire, non pas pour restaurer les finances publiques mais pour envoyer un signal aux marchés et à l'Allemagne."

Selon ce député socialiste, "les Français vont croire qu'on s'occupe enfin sérieusement de l'affaire. Mais ce n'est pas comme ça qu'on restaurera les finances publiques".

Nicolas Sarkozy avait souhaité en janvier dernier, lors la première conférence sur les déficits, que la France se dote aussi d'une règle d'équilibre pour ses finances publiques.

Il avait alors confié à un groupe de travail présidé par l'ancien gouverneur de la Banque de France Michel Camdessus le soin d'y réfléchir - groupe auquel appartiennent notamment Jean Arthuis, Gilles Carrez et Jérôme Cahuzac.

La France ne semble cependant pas mûre pour inscrire dans sa constitution une règle aussi stricte que celle que s'est donné le gouvernement allemand, ainsi que l'a démontré l'absence de consensus sur ce sujet au sein du groupe Camdessus.

"On n'est pas des Allemands et on ne le sera jamais, donc ce n'est pas la peine de plaquer des trucs qu'on sera incapable de respecter", avait dit dès le 20 octobre 2009 l'actuel ministre du Travail Eric Woerth, qui était alors ministre du Budget.

UNE RÉFORME POUR LES SUCCESSEURS ?

La disposition proposée par Nicolas Sarkozy ne pourra, en outre, entrer réellement en vigueur qu'en 2012, année des prochaines élections présidentielle et législatives, ce qui ouvre une large brèche aux critiques de l'opposition.

"C'est une réforme constitutionnelle dont l'actuel pouvoir est exonéré", déclare ainsi Jérôme Cahuzac.

Pour le député PS Jean-Christophe Cambadélis, Nicolas Sarkozy prend "des mesures pour les déficits de ses successeurs" mais "ne règle en rien les problèmes actuels".

Les élus de la majorité qui ont participé aux travaux insistent pour leur part sur la nécessité de ne pas attendre la révision constitutionnelle pour mettre en pratique les principes énoncés par le chef de l'Etat.

"C'est une très belle chose de dire qu'il faut adopter une loi de programmation des finances publiques en début de législature", a ainsi déclaré Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat, à l'issue de la conférence. "Mais nous ne sommes pas encore en début de législature. Il faut faire aujourd'hui, de manière à prouver une volonté concrète."

Edité par Yves Clarisse