BFM Business
Economie et Social

La politique fiscale de François Hollande n’a plus aucun sens

-

- - -

Le gouvernement a annoncé ce week-end qu’il revenait sur son projet de taxation sur l’épargne – la hausse ne concernera finalement que les assurances-vie « multi-supports ».

S’il fallait tourner la tête à chaque changement de direction en matière fiscale, la France entière aurait un énorme torticolis. Une mesure budgétaire qui passe mal et qu’il faut retirer, tous les gouvernements ont connu cela. Mais la situation va très au-delà : nous avons une succession d’annonces qui provoquent des mécontentements ; à chaque fois, Bercy et Matignon commencent par maintenir puis ils cèdent – c’est le grand bazar. Du coup, c’est à la fois le sérieux de cette politique qui est atteint, mais aussi l’autorité de l’exécutif qui l’a conçue. L’Etat a de plus en plus de mal à trouver de nouvelles recettes ; il a aussi du mal à préserver son crédit.

Est-ce la preuve que le fameux « ras-le-bol fiscal » dénoncé par l'opposition est une réalité et que le gouvernement est obligé d'en tenir compte ?

Le gouvernement n’a pas été capable de donner une cohérence à cette politique fiscale, hormis la hausse des prélèvements pour réduire les déficits. Il a empilé des mesures en tous sens, visiblement sans avoir mesuré toutes les conséquences, et parfois des mesures qui se contredisent : il soutient la compétitivité des entreprises mais il augmente leurs cotisations retraite et leur fait payer la taxe de 75% ; il crée une taxe carbone pour lutter contre la pollution mais il refuse de baisser la TVA sur les transports publics… On dit souvent : « trop d’impôt tue l’impôt ». Avec ce gouvernement, il arrive que l’impôt se tue tout seul. Ou qu’il soit mort avant d’avoir existé.

C'est ce qui explique, d'après vous, la détermination affichée par les manifestants en Bretagne pour réclamer l'abandon de l'écotaxe ?

C’est le plus grave : les palinodies du gouvernement ont persuadé toutes les corporations qu’elles peuvent obtenir des exceptions, voire des exemptions. Il y a eu les patrons-pigeons (contre l’impôt sur la plus-value des cessions d’entreprises), les transporteurs (contre la taxe diesel), le Medef a obtenu le retrait du projet d’impôt sur le chiffre d’affaires ; et les agriculteurs bretons ont déjà obtenu un recul partiel sur l’écotaxe: Matignon évoque de « nouvelles propositions ». Au-delà du « ras-le-bol fiscal », tout cela crée une délégitimation de l’impôt, alors que François Hollande avait promis une grande réforme claire et juste de la fiscalité. On espérait un tournant fiscal, on a une fiscalité qui donne le tournis.

L'ex-ministre UMP du Budget Valérie Pécresse, dépose une proposition de loi pour interdire qu'un impôt puisse être réformé plus d'une fois tous les 5 ans et exclure toute forme de « rétroactivité fiscale ». Ça va dans le bon sens ?

Sur la rétroactivité, c’est hypocrite : la droite l’a fait aussi en son temps – y compris sur l’assurance vie en 2009 et le Conseil constitutionnel l’a validé. Sur la réforme des impôts, ça ne règle pas le problème : la fiscalité est un instrument politique. Donc il est normal qu’en cas d’alternance, la politique fiscale change. Mais il faut le faire dans la clarté et dans la cohérence. Il ne s’agit pas seulement d’imposer les Français, il faut aussi imposer des choix. Jusqu’à présent, François Hollande et son gouvernement ont donné l’impression exactement inverse.

Hervé Gattegno