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Finances publiques

La retenue à la source, parfait argument de campagne pour Hollande?

Les prélèvements à la source soulève beaucoup de questionnements.

Les prélèvements à la source soulève beaucoup de questionnements. - Philippe Huguen - AFP

Depuis 2006, tout est prêt pour lancer la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Bercy a déjà répondu a beaucoup des questions que vous vous posez. En revanche, en choisissant de l'appliquer en 2018, le chef de l'Etat sait qu'il embête... Nicolas Sarkozy.

La retenue à la source, une complexité de plus pour les entreprises?

Je me demande bien pourquoi. Je comprends que les entreprises soient traumatisées par l’évolution de la fiscalité, mais là, franchement rien à craindre. C’est toujours l’administration fiscale qui calculera le taux de prélèvement pour chaque foyer fiscal. Elle ne va laisser ce soin à personne, soyez en sûrs.

Les entreprises recevront ce qu’on appelle un "taux synthétique", un simple chiffre : "M. Martin doit être prélevé à 8,5%", une ligne de plus sur la feuille de paie, rien d’autre. Si M. Martin conteste son taux de prélèvement c’est auprès de Bercy qu’il le fera, pas auprès de l’entreprise.

Une simplification qui va bénéficier aux contribuables ?

Pas vraiment. Grosso modo les procédures restent les mêmes. La déclaration pré-remplie à vérifier reste de mise. Cela dit pour les salariés, l’écrasante majorité des contribuables, elle fonctionne très bien. Il faudra continuer à y intégrer les niches fiscales (les journalistes, par exemple...) et il y aura toujours des régularisations en fin d’année suite à l'intégration des autres sources de revenus. 

Une aubaine pour masquer les hausses?

Je crois que c’est tout le contraire. Aujourd’hui, franchement, vous vous souvenez à l’euro près du montant de votre imposition sur le revenu? Et vous pouvez le comparer en tenant compte de l’évolution de vos revenus ou de votre situation familiale ou patrimoniale? Très compliqué. Là, d’un mois sur l’autre, c’est votre net à payer qui change si vous êtes concerné par une hausse d’impôt. Avouez que l’effet serait immédiat et dévastateur pour les responsables politiques (le gouvernement en a fait les frais sur les heures supplémentaires défiscalisées. Leur suppression a été un choc immédiat sur les salaires et vécu comme tel dans les entreprises).

Un habile calcul politique?

Paradoxalement, c’est l’un des éléments les plus complexes, parce que l’on confond souvent prélèvement et mensualisation. Maintenant que la date,est connue c’est plus simple et vous allez voir que c’est la clé du calcul politique de François Hollande. En 2018, vous serez censés payer vos impôts de l’année 2017. Si l’on déclenche le prélèvement à la source en janvier 2018, vous paierez vos impôts sur les revenus gagnés ce mois-ci, janvier 2018.

Que deviennent alors les revenus 2017? Ils pourraient bien être exonérés d’impôts. Une aubaine pour des millions de salariés. Pas pour tous. D’abord, la majorité des salariés ne sont pas imposables. Ensuite, beaucoup d’entre vous paient leurs impôts avec un an de retard sans même s’en rendre compte. C’est le cas de beaucoup de ceux qui sont mensualisés. Pour ceux-là, la mesure ne changera absolument rien, au lieu de vous prélever sur janvier 2017 on vous prélèvera sur janvier 2018, sans la moindre conséquence sur vos revenus ou votre épargne.

Mais un certain nombre de salariés, ceux dont les revenus peuvent évoluer d’une année sur l’autre, mettent de côté chaque année de quoi payer les impôts l’année suivante. C’est cette épargne de précaution qui serait soudain libérée. Et en 2006 Bercy avait calculé que cela représenterait plusieurs dizaines de milliards d’euros. L’équivalent d’un plan de relance. Une aubaine, d’ailleurs, d’autant plus importante que les revenus sont importants. C’est bien pour cela que l’on va avancer avec prudence là-dessus.

D’ailleurs, pour l’instant, le gouvernement ne parle que des revenus salariaux. C’est vrai que pour les autres revenus les effets d’aubaines sont très simples à organiser : vous pouvez décaler trois mois de facture, vous payez un max de dividendes etc... Le problème, c’est que le conseil constitutionnel pourrait bien trouver qu’il y a là une rupture de l’égalité devant l’impôt et casser la mesure. L’affaire de l’année blanche est assurément complexe.

Mais le calcul politique est tellement tentant qu’on se demande si l’année blanche n’est pas en fait au cœur de la réflexion de François Hollande: en promettant le déclenchement de la mesure en 2018, en laissant filtrer qu’il pourrait exonérer les revenus salariaux, il nous met un marché diabolique entre les mains : "votez pour moi, et vous gagnerez un an d’impôts. Sinon ?... qui sait ce qui se passera ?" Il rappellera que la mesure était déjà sur les rails en 2006 et que Sarkozy avait tout stoppé en 2007. Thierry Breton l’affirme haut et fort : "Sarkozy a tout stoppé parce que ça ne venait pas de lui, il n’y a pas d’autre raison". Sarkozy ? Tiens donc…