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Finances publiques

Pourquoi Macron dit que les organismes HLM ont "beaucoup d'argent"

Pour Emmanuel Macron certains offices HLM ont "beaucoup d'argent"

Pour Emmanuel Macron certains offices HLM ont "beaucoup d'argent" - Philippe Wojazer - AFP

Dans son interview sur TF1, Emmanuel Macron est revenu sur la baisse des APL et a rappelé qu'il demanderait un effort aux acteurs du logement, qui dans certains cas "ont beaucoup d'argent". Si l'on en croit la Cour des comptes, ce n'est pas forcément faux.

La baisse de 5 euros des APL a été l'une des premières grandes polémiques du quinquennat d'Emmanuel Macron. Cette décision, qualifiée en privé de "connerie sans nom" par le président de la République, avait été prise pour solder un héritage du précédent exécutif.

Pour éviter un autre coup de rabot politiquement dangereux, Emmanuel Macron prépare une importante réforme de la politique du logement pour l'an prochain. "Le logement c'est presque 40 milliards de dépenses publiques pour 4 millions de Français mal logés. C'est une politique qui ne fonctionne pas", a rappelé le président dimanche sur TF1.

Ainsi l'an prochain le gouvernement demandera aux organismes "HLM de baisser un peu les loyers" et "en face on va baisser d'autant les APL", a-t-il déclaré.

Des "réserves"

Ce qui revient à mettre à contribution les acteurs du logement social. Si Emmanuel Macron a rappelé que le gouvernement avait pris des décisions pour faciliter le financement de leurs investissements, il a aussi déclaré que "dans le monde HLM il y a des réserves, on le sait, depuis de décennies, il y a des acteurs qui ont en effet beaucoup d'argent".

"Dans le monde HLM il y a des organismes qui ont de l'argent et qui ne le dépensent plus, qui ont construit une forme de rente", a-t-il insisté.

"De l'autre côté il y a des organismes qui construisent ou qui ont des publics beaucoup plus en difficulté dans les quartiers les plus modestes. Ceux-là nous les aiderons", a-t-il ajouté.

Les craintes du secteur

On devine que les représentants des bailleurs sociaux n'aient guère goûté à ces paroles du président de la République. L'USH (Union sociale de l'habitat) n'était guère emballée par l'idée du président de la République. Et elle redoutait également que la mesure ne soit fatale à certains de ses membres. Sur la base de 1,4 milliard d'euros de baisses des APL, l'USH estime qu'un organisme qui possède 10.000 logements avec pour moitié des locataires qui toucheraient des APL, perdrait 3,6 millions d'euros de loyer.

"Nous estimons que 120 organismes HLM (sur 720) vont très vite se retrouver au tapis: s’ils continueront à payer salariés et fournisseurs, leurs échéances de prêts auprès de la Caisse des dépôts et consignations risquent de ne plus être honorées", affirmait le 22 septembre dernier Frédéric Paul, le délégué général de l'USH cité par la gazette des communes.

Des bénéfices et des avantages fiscaux de plus de 3 milliards d'euros

Pourtant il semble bel et bien que les organismes HLM dans leur ensemble aient les fameuses "réserves" évoquées par Emmanuel Macron, si l'on en croit un rapport de la Cour des comptes de février dernier. Dans ce document, les Sages de la rue Cambon écrivaient en effet que le secteur HLM avait, en 2014, réalisé un chiffre d'affaires de 21,4 milliards d'euros, pour des bénéfices de 3,3 milliards d'euros, avec une capacité d'autofinancement globale de 9,7 milliards d'euros et des fonds propres de 161 milliards d'euros. Et dans un référé de septembre dernier, la Cour soulignait que les organismes avaient accumulé des "réserves" de 30 milliards d'euros (en fait la différence entre leurs fonds propres et leurs encours d'emprunt).

Il faut aussi dire que les bailleurs sociaux bénéficient d'importants avantages fiscaux: exonération d'impôts sur les sociétés (IS), de taxe foncière sur les propriétés bâties, ainsi que d'une TVA à taux réduit. Avantages que la Cour des comptes chiffrait 3,7 milliards d'euros en 2015, dans son référé de septembre, et qu'elle critiquait fortement, évoquant des mesures "mal ciblées".

La Cour proposait ainsi de supprimer l'exonération d'IS, de remplacer celle de taxe foncière par une subvention plus ciblée. Et les Sages d'écrire, sur les offices HLM, que "le niveau actuel de leurs résultats et de leurs réserves leur permettrait désormais d’intégrer une diminution de 1milliard d'euros de leurs avantages fiscaux".

Julien Marion