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Retraites: la réforme se précise

Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites

Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites - Eric FEFERBERG / AFP

indexation sur les salaires et non plus sur les prix, évolution mécanique de l'âge de départ, excédents des autres régimes: les dernières réflexions autour de la réforme

Le document d'une vingtaine de pages est intitulé: « Vers un système universel de retraite ». Un document de travail soumis aux organisations patronales et syndicales et consulté par l'AFP. Jean-Paul Delevoye suggère d'indexer les pensions sur les salaires plutôt que sur l'inflation. Ce dossier évoque également la possibilité de mettre en place une « règle d'or » pour ajuster les comptes du système des retraites de manière à garantir leur équilibre « sur un horizon pluriannuel », et estime qu'il faut prendre en compte les évolutions démographiques comme l'espérance de vie, la fécondité, et la migration.

Indexation plus juste sur les salaires

Pour Jean-Paul Delevoye le constat est clair: le système actuel d'indexation sur l'inflation présente « l'avantage de ne pas dévaloriser les droits acquis par rapport à l'évolution générale des prix et permet en outre d'octroyer un taux de remplacement à la liquidation plus élevé ». Toutefois, il estime que cette indexation peut être un facteur « d'inéquité », en ne valorisant pas « de la même façon les droits acquis en début, au milieu ou en fin de carrière ». Ainsi, une indexation tenant compte de l'évolution des salaires « permettrait de maintenir constant le rythme d'acquisition des droits au cours de la carrière pour un individu moyen ». Elle permettrait « de faire profiter aux assurés ayant des carrières plates ou heurtées d'une revalorisation des droits tenant compte de l'évolution globale des salaires » et serait « également favorable à une moindre dépendance du système à la croissance ».

Jean-Paul Delevoye estime par ailleurs que les variations du cycle économique doivent être prises en compte dans le cadre de la réforme. Il faut donc se demander si une « règle d'or de retour à l'équilibre » pour encadrer le pilotage financier du système est nécessaire, et s'il faut prévoir un « fonds de lissage des évolutions économiques ».

Age de départ en fonction de l'espérance de vie

En ce qui concerne la prise en compte de l'espérance de vie, elle « pourrait se présenter comme le fait d'indiquer que, pour atteindre un taux de remplacement équivalent, il est nécessaire pour chaque génération de partir un peu plus tardivement ».

Le trésor de l'Agirc-Arrco

Enfin, le document de travail pose aussi la question de ce qu'il convient de faire des réserves de la quinzaine de régimes (Agirc-Arrco, MSA complémentaire...): quel niveau elles doivent atteindre, pour quel objectif et avec quelle stratégie d'utilisation. En 2016, les réserves accumulées par l'ensemble des régimes complémentaires français de retraite obligatoire représentent un montant de 118 milliards d'euros, soit 5,3% du PIB, dont 70 milliards pour le seul régime Agirc-Arrco que ses gestionnaires comptent bien défendre: « pour la première fois, le Haut-Commissariat marie les réserves des régimes avec l'idée de constituer un régime unique. S'ils récupèrent toutes les réserves, nous attaquerons en justice en plaidant l'égalité des droits », menace Philippe Pihet, le négociateur Force ouvrière. Le négociateur du Medef, Claude Tendil, estime aussi que « les efforts consentis par les entreprises et les salariés du privé au sein de l'Agirc-Arrco ne doivent pas bénéficier au laxisme d'autres régimes ».

Quel avenir pour les pensions de réversion?

Autre sujet épineux: les pensions de réversion. Plusieurs pistes sont évoquées ces dernières semaines. Dernières en date, celles de l’Observatoire français des conjonctures économiques. Dans une analyse publiée cette semaine, l'OFCE estime qu’il est nécessaire de conserver cette partie de retraite destinée au conjoint survivant mais qu’une refonte de son principe est indispensable.

« Si elle était supprimée, de nombreuses femmes passeraient en dessous du minimum vieillesse », avertit son auteur, Henri Sterdyniak. L’OFCE rappelle toutefois qu’elle doit aider en priorité les conjoints survivants sans ressources tout en ne pénalisant pas les femmes qui ont travaillé. À partir de ce postulat, l’observatoire soumet quelques pistes de réforme. Des pistes qui doivent notamment permettre d'assurer au veuf ou à la veuve le même niveau de vie qu’avant le décès de son conjoint, et prévoient une harmonisation de la condition d'âge qui diffère aujourd'hui d'un régime à l'autre. La réversion concerne aujourd'hui 4,4 millions de personnes, dont 89% de femmes. Le débat sur la réforme des retraites est loin d'être clos.

Les discussions vont se poursuivre avec les organisations syndicales et patronales. Le projet de loi sera présenté par le gouvernement en Conseil des ministres au second semestre 2019 avant d'être examiné au Parlement où il sera soumis au vote.

Sandrine Serais