BFM Business
Finances publiques

Stationnement, dentistes, Balkany: les perles du rapport de la Cour des comptes

L'institution de la rue Cambon a livré ce mercredi 8 février son rapport annuel qui dénonce plusieurs exemples de gabegies publiques. La Cour épingle notamment les dépenses incroyables de l'Ordre national des chirurgiens dentistes et pointe les insuffisances des contrôles du stationnement automobile.

La Cour des comptes a publié mercredi son rapport annuel 2017, qui comme d'habitude, met en lumière plusieurs exemples de mauvaise gestion publique. Voici les principales critiques formulées par les magistrats financiers dans cette édition.

> Un objectif de déficit pour 2017 "difficile à atteindre"

Pour la Cour, l'objectif de réduction du déficit public, que le gouvernement entend ramener à 2,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2017, après 3,3% l'an dernier, sera "très difficile à atteindre". La prévision gouvernementale repose "sur des hypothèses de recettes optimistes" et "des économies qui ne pourront pas atteindre les montants attendus", déplore la juridiction financière, qui redoute une "accélération" des dépenses publiques. L'État est ainsi appelé à "accentuer l'effort de maîtrise des dépenses" pour respecter ses objectifs et assainir les comptes publics.

> Trop peu de contrôles du stationnement

"Alors que les automobilistes en France ne s'acquittent que très peu des droits de stationnement sur voirie, les contrôles du stationnement effectués par les communes restent insuffisants et très variables d'une année sur l'autre", observe la haute juridiction. Une situation qui nuit aux "conditions de déplacement", mais aussi aux finances des collectivités, à qui revient "une part importante des coûts générés par le stationnement". La Cour recommande donc de "faire évoluer le code général des collectivités locales", pour transférer les pouvoirs de contrôle du stationnement aux "autorités organisatrices de la mobilité".

> Les dérives de la gestion de Levallois-Perret

Les magistrats de la rue Cambon pointent des "dérives" dans la gestion de la commune de Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, dirigée par Patrick Balkany (LR). Ce dernier s'appuie sur de "nombreuses entreprises communales et associations étroitement liées à Levallois". Mais les relations entre la commune de 65.000 habitants et ses sociétés d'aménagement et associations "satellites" sont "largement opaques", ajoute le rapport, qui dénonce un système "générateur d'irrégularités et de dérives".

> Les incroyables dépenses de l'Ordre des chirurgiens-dentistes

"Dérives dans la gestion", "indemnités indues", contrôle "insuffisant": la Cour étrille l'Ordre national des chirurgiens-dentistes (ONCD), dont les cotisations annuelles s'élèvent à 20 millions d'euros. "Au moyen des cotisations", l'Ordre a acheté en faveur de ses conseillers et des membres de leurs familles des bijoux, des "accessoires de haute couture", des soins en thalassothérapie et des "grands vins", énumère le rapport qui invite l'ONCD à "une réforme de grande ampleur".

> Le gâchis de l'écotaxe poids lourds

L'abandon de l'écotaxe, décidé en 2014 face à la fronde des "bonnets rouges", constitue "un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables", selon les magistrats financiers, qui évoquent un pilotage "centré sur des objectifs de court terme". Le dispositif, entériné lors du Grenelle de l'Environnement, devait permettre le financement des infrastructures de transport. Son abandon, au final, a coûté à l'État près d'un milliard d'euros en indemnisations, tandis que la solution de remplacement adoptée - une hausse de la taxe sur les carburants - a pénalisé les automobilistes et les poids lourds français.

> La "contestable" politique de soutien aux buralistes

L'État accorde depuis 2004 un soutien particulier aux buralistes pour atténuer les effets que pourrait avoir la baisse de la consommation du tabac - baisse recherchée dans le cadre de la politique de santé - sur les revenus de ces commerçants. La Cour juge que si cette politique était "légitime au début des années 2000 elle est désormais "très contestable". Les Sages considère que ce soutien est piloté "à l'aveugle, avec des dispositifs insuffisamment contrôlés et ciblés par l'administration". Selon la Cour, le soutien aux buralistes, toutes aides confondues, s'est élevé à 2,6 milliards d'euros entre 2004 et 2011, soit plus de 300 millions d'euros par an.

> France business school, une fusion ratée

En 2012, pour s'assurer de gagner davantage de visibilité, quatre écoles de commerce (Amiens, Brest, Clermont et l'ESCEM Tours-Poitiers-Orléans) ont décidé de se regrouper en une seule entité France business school. La Cour constate l'échec de cette initiative, le nombre d'étudiants inscrits chutant de 90% en 2014 par rapport à 2011-2012. L'association France business school est dissoute et placée en liquidation amiable avec de lourdes conséquences financières, pédagogiques et sociales.181 postes ont notamment été supprimés. L'échec de France business school est une conjonction d'erreurs de gestion et de problèmes de contrôle", conclut la Cour, qui estime que sa dissolution aura même aggravé la situation de départ avec "l'affaiblissement durable" de l'école de commerce d'Amiens, qui jouissait d'une notoriété.

> Le lourd prix de la paix sociale à la DGAC

Avec une dépense de 12,8 millions d'euros en 2015, soit en moyenne 1.208 euros par agent, la dépense d'action sociale à la DGAC "reste à un des niveaux les plus élevés de la fonction publique", selon la Cour. Elle cite en exemple une dépense de 400 euros par agent au ministère de l'Intérieur.

L'institution considère ainsi que la "DGAC ne poursuit pas d'autre objectif que celui d'allouer des prestations permettant de maintenir un bon climat social au sein de la direction". Les magistrats dénoncent ainsi "un immobilisme persistant pour un coût élevé". Selon eux, la DGAC cherche ainsi à maintenir cette paix sociale pour éviter les mouvements sociaux de ses agents qui ont ensuite d'importantes répercussions sur l'ensemble du secteur du transport aérien.

> L'insuffisant contrôle des prestataires de formation professionnelle

Ce secteur est très exposé à la fraude, et ses prestataires sont insuffisamment contrôlés, estime le rapport. Un manque de surveillance liée à la "multiplicité d'acteurs" présents dans ce secteur professionnel: en 2014, l'administration dénombrait 76.551 prestataires de formation... dont seulement 630 ont été contrôlés par les 152 agents affectés à cette tâche. Pour la Cour, cette situation favorise les "irrégularités", qui prennent souvent la forme de "montages très simples", comme de fausses listes d'émargement ou une majoration du nombre d'heures effectuées.

> L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux épinglée

Le rapport dresse un tableau noir de l'activité de l'Oniam, établissement public censé faciliter l'indemnisation à l'amiable des victimes d'erreurs et d'accidents médicaux. Gestion "laxiste", délais trop longs, rejets de dossiers au détriment de victimes, "lourdes défaillances"... En l'état actuel, "il serait aventureux" de lui "confier la mission d'indemniser les victimes de la Dépakine dont l'ampleur et les enjeux seraient encore plus importants que dans l'affaire du Mediator", jugent les magistrats, qui réclament une "remise en ordre impérative" du dispositif.

> La situation "alarmante" du Muséum d'histoire naturelle

Le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) se trouve dans une situation budgétaire "alarmante", notamment en raison du "montage financier hasardeux" de la rénovation du zoo de Vincennes, déplore le rapport. Le MNHN a eu recours pour ce chantier à un partenariat public privé (PPP), qui l'oblige à verser à son partenaire une redevance annuelle de 13,2 millions d'euros. Or les recettes du zoo, surévaluées lors du montage du projet, sont loin d'être conformes aux attentes. D'où un "déficit structurel majeur"... que l'État doit compenser.

J.M. avec AFP