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Economie et Social

Telecoms: la guerre des prix fait rage

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Stéphane Richard, patron d’Orange, Alain Weill, président de SFR (propriétaire de BFM Business) veulent une trêve dans la guerre des prix. Elle sera difficile à obtenir

Stéphane Richard a décidé d’en faire un enjeu national : devant les députés de la Commission des Affaires économiques, il affirme que la guerre des prix est en train de mettre en péril le projet Très Haut Débit en France « qui est un projet d’intérêt national », un plan lancé en 2013, qui doit coûter une trentaine de milliards d’euros et donner à chaque foyer un accès moderne à Internet. Le problème ? Les offres actuelles de ses concurrents sur l’ancienne technologie, l’ADSL : « les abonnements se vendent à des prix inférieurs à leur prix de revient » tonne le patron d’Orange, « c’est clairement de la vente à perte, et cette pratique porte un vrai danger : retarder l’adoption de la fibre par les français ».

« C’est l’hôpital qui se fout de la charité » répond un de ses concurrents, « le même Stéphane Richard a lancé des offres promotionnelles sur sa propre fibre à 9€99, alors que le passage sur son réseau nous coûte à nous, opérateurs, au moins 12€. S’il veut être pris au sérieux sur sa volonté de cessez-le-feu, il ferait bien d’arrêter de tirer le premier ».

Orange fonce sur la fibre

Orange fonce sur la fibre depuis plusieurs mois et du fait de la puissance de ses investissements se retrouve dans une position de force incroyable : il possède plus de 10 millions des 11 millions de prises fibre installées en France. « Notre réseau est ouvert à nos concurrents » dit l’opérateur historique, « il n’y a pas de reconstitution de monopole ». C’est vrai en théorie, mais dans les faits Orange loue le passage sur son réseau à des prix qui interdisent toute concurrence. Pour l’instant l’autorité de régulation laisse faire parce que cet effort d’Orange porte tout l’investissement du secteur et qu’il veut accélérer la modernisation du pays, mais ça ne durera pas. Orange le sait et veut engranger un maximum de clients avant la fin de la récréation, quel qu’en soit le prix.

SFR voudrait calmer le jeu

Sur le mobile, c’est SFR qui se pose des questions. Avec encore beaucoup de prudence Alain Weill envisage une « stabilisation des prix à la hausse », mais là encore « c’est le pyromane qui essaie de reprendre le contrôle de l’incendie » commente le secteur. SFR a violemment secoué le marché l’année dernière avec des offres à prix cassé « à vie », on allait bien au-delà des « ventes privées » de Free, ou des promotions imbattables de Bouygues. Résultats immédiats : SFR a commencé à récupérer les clients perdus ces deux dernières années, et voudrait maintenant récupérer la marge qui va avec.

Ce ne sera pas simple. Car dans ce jeu personne ne gagne. Pendant qu’ SFR partait à l’offensive, c’est Free qui souffrait et perdait des abonnés. Riposte rapide : Free casse sa sacro-sainte grille tarifaire et se met à vendre 8€ ce qui valait 20€ auparavant. Il débute à peine son opération reconquête sous le regard inquiet des marchés, on le voit mal désarmer maintenant.

La morale de cette nouvelle séquence de déclarations est toujours la même : le marché des télécoms ne crée plus de valeur en France, et les gains des uns sont systématiquement des pertes pour les autres. Or c’est une montagne d’investissements qui attend les opérateurs dans les années qui viennent avec le développement de la 5G. La solution pourrait être de mutualiser les réseaux, ce qui se fait discrètement avec Orange-Free, et très officiellement avec Bouygues-SFR, mais c’est alors le risque de reconstitution d’un oligopole que combat l’autorité de régulation, l’ARCEP. Situation inextricable, mais dont l’enjeu, comme le dit Stéphane Richard, est bien de maintenir la France dans la course technologique, « un enjeu d’intérêt national »

Stéphane SOUMIER