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Une DRH au ministère du Travail, est-ce une bonne idée?

Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail

Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail - Eric Piermont - AFP

Que ce soit du côté du Medef ou de FO, le profil de Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail, rassure. Son ancienne activité de DRH chez Danone n'y est pas pour rien. Explication.

C'est une des grosses surprises du gouvernement d'Edouard Philippe. Le secret avait semble-t-il été bien gardé puisque son nom n'avait pas du tout filtré. Mais c'est finalement Muriel Pénicaud qui vient d'être nommée ministre du Travail. Et si cette diplômée d'histoire et de science de l'éducation a déjà une expérience dans le public (elle a piloté en 2014 la création de Business France, l'entité en charge du rayonnement économique de la France à l'étranger), elle a surtout eu une longue carrière dans le privé en tant que directrice des ressources humaines.

Directrice générale adjointe de Dassault Systèmes entre 2002 et 2008, elle pilotait l’organisation, les ressources humaines et le développement durable. Puis c'est au sein du groupe Danone qu'elle dirigera les ressources humaines entre 2008 et 2013.

Elle a emmené Macron à Las Vegas et Davos

Une DRH à la tête du ministère du Travail? Voilà une première en France. Jusqu'alors c'était des profils très politiques qui avaient occupé ce poste comme François Fillon, Philippe Seguin ou encore Martine Aubry. C'est d'ailleurs au cabinet de cette dernière entre 1991 et 1993 que Muriel Pénicaud a connu sa première expérience ministérielle.

Mais pour négocier le lourd dossier de la réforme du droit du travail, Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont choisi une spécialiste de la négociation en entreprise. "Elle a plusieurs compétences qui pourront lui être utiles, explique Thibault Lanxade, vice-président du Medef en charge des PME. Elle connaît à la fois très bien le monde de l'entreprise et de la négociation avec les syndicats, elle sait écouter et surtout elle a une maîtrise technique des dossiers qui sont toujours très complexes en matière sociale. Elle a qui plus est une bonne connaissance de ce qui se passe à l'étranger avec son expérience à Bercy pour la création de Business France". C'est d'ailleurs à cette occasion qu'elle a connu Emmanuel Macron. Elle a organisé avec l'ex-ministre de l'Économie les très médiatisés déplacements à Davos et Las Vegas. 

Même FO est rassuré

Si du côté du syndicat patronal, on se réjouit donc de cette nomination, du côté des syndicats salariés, plus étonnant, on est aussi rassuré. Du moins chez Force ouvrière. Jean-Claude Mailly, le secrétaire générale de FO a trouvé la nomination "plutôt rassurante". C'est "quelqu'un de direct, qui dit les choses, et qui a une connaissance à la fois technique et politique des dossiers, donc a priori un bon profil", expliquait-il en fin d'après-midi mercredi au micro de France Info.

Car Muriel Pénicaud a deux hémisphères susceptibles de plaire tant au patronat qu'aux syndicats. D'un côté elle a une bonne connaissance de l'entreprise et du business et de l'autre elle s'est distinguée dans sa carrière de DRH par des politiques sociales innovantes (une couverture santé mondiale chez Danone) et a participé en 2010 à la rédaction d'un rapport sur le bien-être au travail avec Henri Lachmann, l'ex-PDG de Schneider Electric. Un rapport dont les préconisations avaient tout pour plaire aux syndicats:

"Nous recommandons que dans la rémunération variable des dirigeants et managers, une partie soit évaluée sur de la performance sociale. C'est ce que nous avons mis en place en 2008 pour les 1.500 directeurs de Danone à travers le monde", expliquait-elle en 2013 à la revue Travail & Sécurité.

Marc Ferracci, un ami de Macron, au cabinet de Pénicaud

Une unanimité rare (pour le moment) pour quelqu'un non issu du sérail politique. "C'est justement ça qui plaît, estime Hedwige Chevrillon, journaliste à BFM Business. C'est une grosse bosseuse qui maîtrise les dossiers et qui est aussi très bonne dans la concertation. Et il se murmure en plus que Marc Ferracci [économiste, proche d'Emmanuel Macron et à l'origine de nombreuses mesures du programme du candidat d'En Marche] pourrait faire partie de son cabinet".

Si le choix de la ministre séduit pour le moment, la négociation n'en sera pas moins musclée. D'ailleurs, après s'être dit rassuré par la nomination, Jean-Claude Mailly a rappelé "c'[était] la ligne globale de la politique économique et sociale qui [allait] peser." Car Muriel Pénicaud aura en charge "la mère de toutes les réformes" d'Emmanuel Macron selon Pierre Gattaz: la réforme du marché du travail. Le programme du candidat d'En Marche prévoit en effet de transférer une partie du droit du travail à la négociation au sein des branches et des entreprises. Une mesure très attaquée par la gauche qui dénonce une loi "El Khomri en pire". Bref, l'ex-DRH a du pain sur la planche.

Un symbole des politiques "antisociales" pour la CGT

La fédération CGT de l'agroalimentaire a elle critiqué la nomination de Muriel Pénicaud rue de Grenelle. Cette dernière est ainsi "dans la droite ligne des politiques antisociales et de sacrifices imposés aux salariés sur l'autel des profits et de la stratégie de 'course à la valeur' pour les actionnaires", écrit la confédération. La CGT l'accuse également d'avoir organisé "la casse des emplois et des conditions de travail au nom de la compétitivité" chez Danone.

Un discours qui tranche avec la fédération FO du même secteur qui, comme Jean-Claude Mailly, a salué sa nomination, notant qu'elle a "travaillé efficacement au développement du dialogue social chez Danone".

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco