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Finances publiques

La vérité sur les paradis fiscaux

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Les pays de l’Union Européenne se réunissent à Paris pour agir et encadrer les paradis fiscaux. Mais à quoi et à qui servent ces territoires « défiscalisés » ? Décryptage.

En pleine crise financière, les paradis fiscaux sont pointés du doigt. Agir plus fort contre la quarantaine de centres offshores à fiscalité très basse, ces « trous noirs » de la finance mondiale, c'est l'objet d'une réunion internationale convoquée ce mardi à Bercy, à l'initiative de la France et de l'Allemagne. Les représentants d'une vingtaine de pays et l'Organisation européenne de coopération économique (OCDE) seront présents. La Suisse et le Luxembourg, adeptes du secret bancaire et donc premiers pays visés, ont renoncé à venir.

Qu'est-ce qu'un paradis fiscal ?

Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint d'Alternatives économiques, explique qu'un « paradis fiscal est un territoire qui combine plusieurs compétences : celle du banquier, celle du fiscaliste et celle de l'investisseur. Ces trois compétences réunies permettent aux personnes aisées de dissimuler une partie de leurs revenus et aux entreprises d'échapper largement à l'imposition. Par ailleurs, les paradis fiscaux sont aussi des territoires de sous-règlementation. Si les grandes banques centrales essayent d'encadrer les activités des établissements financiers, ils peuvent toujours utiliser les paradis fiscaux où ils sont beaucoup moins réglementés. C'est la raison pour laquelle une très grande majorité des hedge funds sont enregistrés dans les paradis fiscaux ».

Tour du monde des paradis fiscaux

40, 50 ou plus ? Les chiffres varient selon les institutions. Pour l'OCDE, une quarantaine de pays sont considérés comme des paradis fiscaux dans le monde. L'ONG Transparence International France en dénombre une « cinquantaine », dans lesquels « plus de 400 banques, deux tiers des 2 000 hedge funds (fonds spéculatifs) et deux millions environ de sociétés écrans » gèreraient quelque « 10 000 milliards de dollars d'actifs financiers ».

Les paradis fiscaux en Europe selon l'OCDE

1. Aurigny (Alderney en anglais)*
2. Andorre
3. Belgique
4. Campione (Italie)
5. City de Londres (Royaume-Uni)
6. Chypre (Grèce)
7. Francfort (Allemagne)
8. Gibraltar (Royaume-Uni)
9. Guernesey*
10. Hongrie
11. Islande
12. Dublin (Irlande)
13. Ingouchie (Russie)
14. Ile de Man*
15. Jersey*
16. Liechtenstein
17. Luxembourg
18. Madère (Portugal)
19. Malte
20. Monaco
21. Pays-Bas
22. Sark*
23. Suisse
24. Trieste (Italie)
25. Chypre du Nord (Turquie)

* Ces îles sont des dépendances de la couronne britannique, mais ne font pas partie du Royaume-Uni.

Ces stars séduites par les paradis fiscaux

Quel est le profil de ces évadés fiscaux ? Selon Christian Chavagneux, « il y a beaucoup de stars, notamment dans le monde sportif, qui ont recours aux paradis fiscaux. Si vous regardez du côté des joueurs de tennis, des pilotes de Formule 1 voire de quelques avant-centres de l'équipe de France de Football, vous trouverez des choses. On sait que quelques chefs d'entreprises familiaux de réseaux de grande distribution en France ont établi leurs bases dans des paradis fiscaux pour échapper à l'impôt sur les grandes fortunes ».

Les paradis fiscaux coûtent cher à la France

Pour donner une idée de l'ampleur du problème, Christian Chavagneux cite les chiffres : « On eu l'an dernier une estimation de ce que cela coûtait au fisc français : a minima, la France perdrait 40 à 50 milliards de recettes par an, c'est l'équivalent du déficit budgétaire de la France ».

Décryptage d'un exemple de paradis fiscal

Bernard Arnault, président de LVMH, a racheté en 2006 le yacht l'Amadeus (69 mètres de long). Et il l'a enregistré aux îles Caïmans, au nom d'une société domiciliée à Guernesey, Amadeus Yachts Limited.

Noëlle Duck, journaliste à « Mer et Bateaux », était en direct sur RMC pour expliquer cette affaire : « Enregistrer son bateau aux îles Caïmans permet d'échapper à la TVA qui n'existe pas dans cet Etat. L'achat du bateau, les réparations, les pièces détachées, tout est détaxé. Concrètement, lorsque le yacht de Bernard Arnault est en Europe, il est considéré comme un bateau étranger. Il peut tout acheter détaxé, de la nourriture en passant par le fioul ou les pièces de rechange. Que ce soit lorsqu'il se trouve sur la Côte d'Azur, en Italie ou en Croatie ».

« Il bénéficie de la législation des îles Caïmans : les membres d'équipage ne sont déclarés à aucune caisse de retraite. Pas de cotisations retraite, pas d'Urssaf. Et, puisqu'ils travaillent souvent à l'année et sont domiciliés sur le bateau, les membres d'équipage ne payent pas d'impôts ».

« Cela représente pour Bernard Arnault plusieurs millions d'euros par an d'économie, par rapport à la législation d'un Etat européen. Pour ce genre de bateau, c'est 10 à 12 membres d'équipage. C'est donc une véritable petite PME ».

La rédaction et Aurélia Manoli-Bourdin & Co