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Les "profils fantômes", la question qui a piégé Mark Zuckerberg

Mark Zuckerberg a fait montre de plusieurs imprécisions devant le Congrès.

Mark Zuckerberg a fait montre de plusieurs imprécisions devant le Congrès. - SAUL LOEB / AFP

Ces profils sont constitués à partir de données de personnes ne s'étant jamais inscrites sur Facebook.

Mark Zuckerberg n’est pas ressorti indemne de ses dix heures d’interrogatoire. Devant le Sénat puis le Congrès américain, le jeune patron de Facebook a dû fournir des explications au sujet du modèle économique de son entreprise, et du scandale Cambridge Analytica, qui fait vaciller le groupe depuis près de trois semaines.

A plusieurs reprises, Mark Zuckerberg a éludé les questions des membres du Congrès. Il indique ne jamais avoir entendu parler des "shadow profiles", ces profils constitués par Facebook sur des personnes non inscrites sur le réseau. L'entreprise y parvient par exemple à partir d'adresses mail ou numéros de téléphone partagés par un ami ayant donné accès à ses contacts à Facebook.

Le terme est pourtant connu depuis plusieurs années, ironise un journaliste de Slate. 

Le PDG de Facebook a néanmoins confirmé que le réseau social collecte bien des informations sur les non-membres. "En général, nous collectons des données sur les gens qui ne sont pas inscrits sur Facebook pour des raisons de sécurité", a-t-il justifié.

"Reconnaître l'existence de ces "shadows profiles", dans la tempête médiatique actuelle et dans le cadre d'une audition, reviendrait à se tirer une balle dans le pied, ce dont Mark Zuckerberg n’a pas besoin", juge Olivier Ertzscheid, chercheur français en sciences de l'information et de la communication. "Sur la plupart de sujets qui sont au cœur du débat, qu’il s’agisse des profils fantômes ou du délai de suppression et de rétention des données, Zuckerberg s'est contenté de s'excuser (une fois de plus), de feindre qu'il ne savait pas, qu’il n'était pas au courant ou que c'était "trop complexe" pour pouvoir répondre simplement."

L'option "télécharger mes données"

Mark Zuckerberg a fait montre d'autres imprécisions lors de son audience. A l'évocation de l'option "télécharger mes données", le créateur du plus grand réseau social au monde a maintenu qu'il était possible de télécharger "tous les contenus" stockés par Facebook. L'historique de navigation ne fait néanmoins pas partie de cette archive, a fait remarquer un parlementaire. Le fichier reçu ne comprend en effet nulle trace de cet historique ni même d'autres documents, tels que l'ensemble des photos sur lesquelles un utilisateur a été tagué par un ami, confirme BFM Tech.

Au même titre que Google, Facebook suit les internautes sur le Web, sur le réseau et en dehors, qu'ils aient un compte ou pas. Ces métadonnées sont gardées secrètes par Facebook. "La réponse de Mark Zuckerberg à Jerry McNerney est malhonnête", juge ainsi Ashkan Soltani. L’ancien CTO de la FTC, le régulateur américain du commerce qui a lancé une enquête sur Facebook, rappelle que le réseau enregistre bien les données liées à l’historique de recherche.

Impossible de disparaître de Facebook

Devant le Sénat, le 10 avril, Mark Zuckerberg a été interrogé sur la possibilité des utilisateurs d'effacer toutes leurs données, au moment de quitter le réseau. Mark Zuckerberg a assuré qu'une telle possibilité était offerte.

Il omet néanmoins le fait que les messages privés envoyés restent visibles dans la boîte des destinataires, le nom de la personne étant remplacé par "Utilisateur Facebook". Les métadonnées sont, elles, conservées et portent la simple mention "Supprimé", comme le fait remarquer Max Schrems. L'avocat autrichien avait demandé en 2011 à Facebook de lui communiquer l'ensemble de ses données, avant de porter plainte contre l'entreprise.

S'il s'avère difficile pour les utilisateurs de Facebook de supprimer définitivement leurs données du réseau, que dire des personnes ne s'y étant jamais inscrites ? La question reste entière. Peut-être l'équipe de Mark Zuckerberg, mentionnée une cinquantaine de fois sur les deux jours d'audience, aura-t-elle davantage d'éléments de réponse.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech