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Pourquoi Apple se renforce dans le jeu vidéo

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Apple - Josh EDELSON / AFP

Apple Arcade sur la ligne de départ. En lançant sa propre plateforme par abonnement, le géant américain entend bien prendre sa part du très lucratif marché du jeu vidéo.

Apple veut marquer le coup dans le jeu vidéo. Avec le lancement ce jeudi de sa propre plateforme, le géant californien mise, une nouvelle fois, sur le modèle par abonnement dont la popularité n'est plus à démontrer pour les séries, les films ou la musique. Avant Apple TV+, son service de vidéo à la demande attendu en novembre prochain, et après Apple Music, c'est au tour d'Apple Arcade d'entrer en scène: pour 4,99 dollars par mois, les abonnés auront accès à un catalogue de jeux vidéo – une centaine au départ – avec la promesse de pouvoir passer (au sein de de l'écosystème Apple) d'un appareil à l'autre.

Pour le géant de Cupertino, ce n'est pourtant qu'une porte ouverte de plus sur le monde du jeu vidéo. "Apple a bousculé le modèle économique du jeu vidéo sur mobile avec l'iPhone. Les revenus étaient auparavant aux mains des opérateurs télécoms, qui captaient plus de la moitié de ces revenus et reversaient le reste aux ayants-droits. Puis Apple a débarqué en proposant d'en reverser 70% à ces derniers. Cela a créé un véritable appel d'air. Le groupe est aujourd'hui à la quatrième place mondiale en termes de revenus générés dans l'industrie du jeu vidéo", explique Laurent Michaud, directeur d'étude à l'Idate.

Dans le jeu vidéo, Apple jouait jusqu’à présent le rôle de distributeur et détaillant. Le groupe ajoute aujourd'hui une corde à son arc en devenant aussi agrégateur. La stratégie est simple: remonter dans la chaîne de valeur, grâce à Apple Arcade, pour capter davantage de revenus. Et tourner la page de la dépendance à l'iPhone. Face à la chute des ventes de son appareil phare (encore -12% au troisième trimestre), la firme de Cupertino vise plus que jamais les services. Désormais, les ventes de smartphones représentent d'ailleurs moins de la moitié de son chiffre d'affaires.

"Une étape logique"

Il faut dire que la promesse est alléchante: selon l'Idate, le marché mondial du jeu vidéo pourrait atteindre 130 milliards d'euros à la fin de l'année, sans compter les ventes des accessoires et des matériels. Son taux de croissance, qui ne cesse d'accélérer depuis les années 1990, devrait dépasser en 2019. Avec l'avènement du smartphone, le jeu sur téléphone mobile est devenu incontournable : à lui seul, ce segment pèsera plus de 50 milliards d'euros cette année, poussé par le succès du "free-to-play", qui associe téléchargement gratuit et publicités.

Apple Arcade "est une étape logique. Le secteur du jeu vidéo était auparavant bien compartimenté entre l'ordinateur, les consoles, le téléphone mobile. Les acteurs, les joueurs étaient différents, et les connexions difficiles entre les différents supports. L'arrivée de l'iPhone, avec un modèle plus fluide, a créé des passerelles. On se dirige aujourd'hui vers un modèle sans coutures, vers un jeu ubiquitaire", note Laurent Michaud. Apple pourra pour cela s'appuyer sur l'ensemble de son écosystème : de son iPhone, le groupe promet que l'on pourra passer sur son Apple TV, son Mac ou son iPad.

Apple sera-t-il en mesure de bousculer l'ordre établi dans le monde du jeu vidéo? Les poids-lourds du secteur ne devraient pas trembler dans un premier temps. Ubisoft, Electronics Arts ou Sony, pour ne citer qu'eux, semblent bien campés sur leurs positions. L'exemple de Tencent pourrait faire rêver Apple: le géant chinois a massivement investi ces dernières années. Le groupe, qui a mis la main sur les lucratifs Riot Games (League of Legends) ou Supercell (Clash of Clans, Clash Royale), tire désormais du jeu vidéo la plus grande partie de son chiffre d'affaires.

En attendant Google

Ce qui devrait être déterminant pour le succès, ou non, d'Apple Arcade, c'est la composition de son catalogue. "Pour qu'il soit attractif, le prix et modalités techniques sont des arguments incontournables, mais il faut aussi prendre en compte la nature des jeux proposés, le volume, la durée de vie de ces jeux, le renouvellement du catalogue. Une centaine de jeux, comme annoncé au départ, ce ne sera pas forcément suffisant, même s'ils sont exclusifs à la plateforme", assure Laurent Michaud. Apple a d'ores et déjà promis d'étoffer son offre en ajoutant chaque mois de nouveaux jeux.

D'autant que Google l'attend au tournant. Microsoft et Sony, via les consoles Xbox et Playstation, proposent déjà des offres par abonnement, mais c'est l'autre géant californien qui pourrait faire de l'ombre à Apple. Google lancera en novembre prochain sa propre plateforme de jeux vidéo, Stadia, promettant du streaming réel, sans téléchargement préalable, en passant indifféremment de l'ordinateur au smartphone ou à la télévision connectée. Une promesse très proche de celle d'Apple. Chacun veut son propre "Netflix" du jeu vidéo.

Jérémy Bruno