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Pourquoi l’intelligence artificielle fait-elle si peur aux Français?

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- - Isaac Lawrence - AFP

Selon une étude d'OpinionWay pour VMWare, de nombreux aspects de l'intelligence artificielle inquiètent les Français. Les humains courent-ils un tel danger à laisser les machines contrôler leur vie?

À 7h00, l’assistant vocal réveille Michel en lui rappelant que ce matin, il a un rendez-vous chez son ophtalmo à 8h30. Le robot lui propose de commander une voiture sans chauffeur, car il pleut et prendre son scooter ne serait pas prudent. Michel n’a qu’à dire "OK" pour lancer automatiquement le processus et aller tranquillement prendre sa douche et déguster un café. Ce scénario ne relève plus de la science-fiction et s’il semble rendre la vie plus simple, il inquiète déjà les Français comme le dévoile une étude* OpinionWay réalisée pour VMWare. Nos concitoyens ont peur de trop en dire sur leur vie privée en livrant leurs données personnelles et ils redoutent que grâce à l’intelligence artificielle, les machines prennent le contrôle de leur existence.

Si les Français admettent volontiers que certains secteurs, comme l’automobile (37%), la finance (26%) ou la santé (24%), vont gagner en efficacité grâce aux nouvelles technologies, ils ne sont pas enclins à livrer leurs données personnelles pour améliorer les algorithmes des intelligences artificielles. Ils acceptent tout juste dévoiler de leur parcours professionnel (47%) ou leurs habitudes de consommation (49%). Mais ils sont majoritairement défavorables aux partages d'informations plus sensibles comme les données financières (70%), l’historique de leur téléphone (68%), les antécédents familiaux (66%), l’historique des recherches sur Internet (66%) ou les données médicales (63%). Ils sont même très partagés sur les données de géocalisation avec 54% de personnes qui n’y sont pas favorables.

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- © OpinionWay/VMWare

L'humain en a peur, pas son avatar numérique

"Ces réponses posent question d’autant plus que tous ceux qui utilisent des appareils informatiques ou numériques, laissent leurs données pour améliorer les services en les personnalisant", soulève Sylvain Cazard, directeur général de VMWare France. Ces réalités se constatent avec les réseaux sociaux, avec les objets connectés de plus en plus nombreux, avec les services financiers qui conseillent sur les placements à faire et simulent des financements, et aussi avec les GPS qui savent où l’on est, d’où l’on vient et où l’on va.

Pour Jean-Pierre Malle, datascientist et fondateur de l’agence M8, ce paradoxe est très humain. "Notre avatar numérique les gère plutôt bien, mais nous en avons peur. Ces technologies génèrent de la suspicion et des craintes avant d’entrer dans notre quotidien et si l’on en parle avec des mots savants", estime ce spécialiste qui n'observe pas de technophobies chroniques chez les Français. Il y voit plutôt un mélange de prudence face à ce que l’on ne connaît pas: "Dès qu’elles entrent dans notre quotidien, elles prennent sens et sont adoptées sans difficulté par tous les publics".

Un problème de sémantique

Une autre raison peut expliquer les craintes des Français: le sens des mots. "Nous avons peut-être eu tort de conserver le mot intelligence sans le traduire vraiment. Chez les Anglo-saxons il signifie renseignement ou information, alors que chez les Latins il fait directement référence à l’intellect", indique Jean-Pierre Malle.

Ce paradoxe est le plus fort avec la voiture autonome. Alors que les véhicules de dernière génération qui gèrent déjà le freinage, les distances entre les véhicules et les sorties de route et guident le conducteur vers sa destination, les personnes interrogées par OpinionWay ne font pas confiance dans une voiture totalement autonome. 59% n’ont pas confiance dans les décisions qu’elles pourraient prendre, 46% craignent d’en perdre le contrôle et 45% ont peur qu’elles provoquent un accident. La peur des hackers ne vient qu’en dernier. Globalement, 56% ne sont pas prêts à utiliser une voiture autonome.

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- © OpinionWay/VMWare

Pour Éric Gourier, Business Solution Strategist de VMware France, l’intelligence génère des réactions parfois irrationnelles. "Les utilisateurs utilisent chaque jour des chatbots et des systèmes intelligents sans vraiment s’en rendre compte, mais le fantasme est puissant pour cette technologie. Peut-être provient-il de la science-fiction qui les présente comme un danger pour l’homme? Dans ce domaine le fantasme est puissant". Le mythe de Terminator est très présent.

L'IA, danger ou sauveur de l'humanité?

Mais ces craintes sont également partagées par des spécialistes des nouvelles technologies et de la science. Elon Musk, patron de Tesla et Space X, Bill Gates, fondateur de Microsoft, et l’astrophysicien américain Stephen Hawking, ont lancé à plusieurs reprises des alertes sur les dangers que représente l’IA, allant même jusqu’à envisager qu’elle détruise l’humanité.

En attendant, elle permet d’éviter des accidents de la circulation grâce au système de freinage, de gestion de la vitesse et de maintien de la trajectoire. Actuellement, plus de 90% des accidents sont causés par la consommation d’alcool et/ou de drogue, la fatigue ou parce que les véhicules sont mal entretenus.

Selon de nombreux experts, les véhicules autonomes peuvent les réduire drastiquement. Une étude d’Expert Market estime qu’ils pourraient faire baisse de 90% les coûts de l’insécurité routière et le Boston Consulting Group prévoit leur quasi-disparition grâce aux voitures sans chauffeurs en 2030. En 2015, un rapport de l’observatoire interministériel de la sécurité routière indiquait que les accidents de la route (corporels et matériels) ont représenté un coût de 32,8 milliards d’euros, soit 1.5% du PIB.

* Étude réalisée auprès d’un échantillon de de 1005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, selon des critères de sexe, d’âge, de résidence, de catégorie socio-professionnelle, d’agglomération ou de région de résidence.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco