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BCE: Mario Draghi muscle son discours sur l'euro fort

Mario Draghi vendredi au FMI à Washington

Mario Draghi vendredi au FMI à Washington - -

Samedi 12 avril à Washington, le président de la Banque centrale européenne a laissé entendre que la BCE ne laissera pas indéfiniment s'apprécier la monnaie unique.

Euro trop fort, inflation trop faible: le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi a musclé son discours samedi 12 avril et laissé entendre que l'institution était prête à agir sur le front monétaire.

Dans un commentaire plutôt inhabituel de la part de la BCE, qui répugne généralement à s'étendre sur le sujet des taux de change, son président a déclaré lors d'une conférence de presse à Washington: "si nous voulons que la politique monétaire reste aussi accommodante qu'elle l'est aujourd'hui, une poursuite de l'appréciation du taux de change [de l'euro] pourrait nécessiter une action monétaire".

Une limite à l'euro fort

Une manière détournée de dire que la BCE ne laissera pas indéfiniment s'apprécier la monnaie unique.

M. Draghi a reconnu que le niveau de l'euro, que le nouveau Premier ministre français Manuel Valls juge trop élevé, jouait "un rôle de plus en plus important" dans les prises de décision de la BCE.

Le ministre des Finances français Michel Sapin a de son côté jugé que cette "préoccupation" du patron de la BCE était "intéressante", et "partagée" par certains gouvernements.

Le président de la banque centrale allemande Jens Weidmann, conformément à la ligne plus orthodoxe de son institution, a lui tenu à relativiser la portée de l'appréciation de l'euro, assurant qu'elle était aussi la conséquence de "flux de capitaux" et d'un retour de la confiance" en la zone euro.

Son homologue français Christian Noyer a lui aussi expliqué que les investisseurs internationaux, qui ont fui l'été dernier les pays émergents, ont acheté de l'euro, le faisant grimper, ce qui est "le revers de la médaille" du rétablissement de l'économie européenne. Selon lui toutefois, le phénomène "ne devrait pas durer", notamment si le dollar finit par s'apprécier.

Mais il a reconnu que l'évolution de l'euro "compliquait un peu la ré-accélération de la croissance" et "compliquait très directement le retour vers l'objectif de stabilité des prix de la BCE", soit une inflation de l'ordre de 2%.

Décision de la BCE sur les taux le 8 mai

Le niveau de la monnaie unique, qui a évolué vendredi à son plus haut niveau depuis trois semaines, pèse en effet sur les prix. Selon M. Noyer, l'inflation en zone euro serait de 1% environ sans l'effet de l'euro fort, au lieu de 0,5% actuellement.

Répétant que son institution était prête autant à "un nouvel assouplissement monétaire", c'est-à-dire une baisse de taux, qu'à des "mesures non-conventionnelles", M. Draghi a indiqué qu'il ne fallait "pas être complaisant" face à la faible inflation en zone euro.

Lors de sa conférence de presse en marge des réunions à Washington du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, M. Draghi a pris le temps de décrire les effets néfastes liés à des prix trop peu dynamiques.

En clair, il a indiqué que le danger ne venait pas seulement d'une menace de déflation, phénomène de baisse généralisée des prix et des salaires, mais aussi d'une inflation basse, qu'il a jugé "mauvaise".

Une hausse trop molle des prix "rend le processus d'ajustement plus difficiles dans les pays sous pression", à savoir les pays du sud de l'Europe, et "complique le désendettement à la fois des secteurs public et privé", a-t-il expliqué.

M. Draghi a donc multiplié les signaux de bonne volonté, alors que la politique de la BCE a été abondamment commentée ces derniers jours à Washington, où se sont tenues des réunions du G20, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Le Comité monétaire et financier international (CMFI), l'instance politique du FMI, a, lui, estimé samedi que l'institution de Francfort "devrait envisager des actions supplémentaires si la faible inflation devait se prolonger".

Le conseil des gouverneurs de la BCE doit prendre le 8 mai à Bruxelles sa prochaine décision sur les taux d'intérêt.

J. H. avec AFP