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Pourquoi les BRICS veulent leur banque mondiale?

La présidente Brésilienne Dilma Roussef arrive au 6ème sommet des BRICS à Fortaleza.

La présidente Brésilienne Dilma Roussef arrive au 6ème sommet des BRICS à Fortaleza. - -

Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s'ouvre ce mardi à Fortaleza au Brésil. Il devrait accoucher d'une banque et d'une réserve monétaire commune pour s'émanciper de l'Occident.

Après la fin du Mondial, le Brésil reste sous le feu des projecteurs pour une autre forme de sport: la diplomatie. Le 6ème sommet annuel des BRICS se tient dans le pays les mardi 15 et mercredi 16 juillet, avec la présidente brésilienne Dilma Roussef, les dirigeants de Russie, d'Inde, de Chine et d'Afrique du Sud.

Au menu: la création de la "Nouvelle banque de développement", un fonds commun pour financer des infrastructures, et d'une réserve de change commune, censée protéger les monnaies émergentes de fluctuations trop violentes.

Bref, un nouveau système monétaire totalement indépendant du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, des instances que les BRICS considèrent être sous l'emprise des puissances occidentales.

Des prêts sans conditions? "Peu crédibles"

"Les prêts soumis à contreparties du FMI sont vécus comme une mise sous tutelle, une atteinte à la souveraineté", explique Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface. Ces nouvelles institutions représentent "un moyen de s'émanciper".

D'ailleurs les prêts qu'octroierait la banque des BRICS ne seraient, selon les déclarations du ministre des Finances russe, Anton Silouanov, assortis d'aucune condition. Une option qui paraît "difficilement crédible, et peu réalisable" à Yves Zlotowski. A moins d'en choisir rigoureusement les bénéficiaires.

Le club des cinq, qui représente à lui seul 40% de la population et un cinquième du PIB de la planète, n'a pas l'intention de se prêter à lui-même, décrypte l'économiste de Coface. L'idée, c'est "d'aider les autres émergents, de développer la solidarité sud-sud, et dans le même temps, de renforcer l'intégration commerciale sud-sud", souligne-t-il.

L'Argentine, "en rupture avec le FMI et outsider des marchés financiers", serait à ce titre "le candidat idéal", continue l'analyste. Mais prêter sans condition à un pays qui a fait faillite en 2001, et obligé une majorité de ses créanciers à renoncer à 70% de leur dû, paraît risqué.

"Une coquille vide"

Le sujet n'est, quoi qu'il en soit, pas à l'ordre du jour. A l'heure actuelle, le périmètre de cette banque des BRICS et de leur réserve monétaire n'est pas encore défini. Ni le calendrier de leur mise en place. Ni même les détails géographiques de leur implantation. "C'est une coquille vide", estime Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.

Selon l'AFP, la "Nouvelle banque de développement" sera dotée de 50 milliards de dollars. Selon d'autres médias, ce sera le double: 100 milliards. Selon certains, la Chine en serait la principale contributrice. Selon d'autres, chaque membre participerait à part égale.

Autre point d'interrogation: où sera installé son siège? C'est un sujet de tension entre les cinq. La Russie assure que ce sera Shanghai, comme certains titres de presse chinois. D'autres membres du groupe craignent une influence trop forte de la Chine sur ces structures, notamment l'Inde, qui plaide pour New Dehli. L'Afrique du Sud, elle, insiste pour l'héberger à Johannesburg.

Trouver un compromis sera d'autant plus délicat que les intérêts des cinq divergent. "En pleine crise en Ukraine, la Russie cherche un levier politique, un contre-feu, pointe Christopher Dembik, quand le Brésil, lui, a vraiment besoin de financement pour ses infrastructures". Dès lors, il pourra s'écouler "plusieurs décennies avant que ces organisations ne disposent d'une force de frappe similaire à celles dominées par les Occidentaux".

Nina Godart