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Comment Daesh se finance

Pillages, pétrole, mystérieux donateurs… Les moyens de financement de l’organisation terroriste sont multiples. Décryptage avec Olivier Hanne, chercheur à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste du terrorisme.

Si Daesh a pu commettre de multiples attaques terroristes partout dans le monde, c’est bien qu’il en a les moyens tant humains que financiers. Considéré comme le nerf de la guerre, ce point est pour le moins sensible. Si le flou le plus total entoure le montant exact de ses ressources (les estimations varient de 2 à 200 milliards d'euros!), reste à savoir comment cette manne arrive entre ses mains.

Comment entretenir une armée, faire fonctionner une administration sur un territoire grand comme le Royaume-Uni et mener des opérations extérieures sans (officiellement) prendre part au commerce international? En réalité, le groupe terroriste possède plusieurs moyens de financement, auquel le monde entier contribue directement ou indirectement.

Le marché de l’art

Le pillage des sites archéologiques et la revente du butin constituent l’une des ressources de Daesh. Le commerce illégal d’antiquités est ainsi bien réel: une enquête du Guardian montrait par exemple que certaines d’entre elles pouvaient facilement se retrouver dans des boutiques londoniennes…

Pour faire tourner ce juteux business, Daesh se contentait jusqu’à récemment d’autoriser les habitants des zones archéologiques à fouiller eux-mêmes, puis prélevait une taxe d’environ 20% sur le prix de revente. Désormais, l’organisation forme et possède ses propres "archéologues", mais la source se tarit peu à peu.

Les impôts

Alors qu’il a l’ambition de fonctionner comme un véritable État, Daesh n’a pas tardé à prélever un impôt sur les territoires qu’il occupe. Les particuliers, mais aussi les entreprises, y sont soumis. En théorie, "ce prélèvement respecte les règles islamiques, ce qui place le taux d’imposition à environ 10% du revenu", indique Olivier Hanne, chercheur à l’université d’Aix-Marseille. Mais en pratique, certaines communautés, comme les chrétiens, paient un plus lourd tribut. Et différentes taxes sont imposées sur toutes les formes de trafics, notamment de pétrole.

Le pétrole

C’est là que le bât blesse. Si Daesh a mis la main sur une douzaine de champs de pétrole -et sur des structures permettant de le raffiner- la manière dont celui-ci est exporté pose question. Dans les faits, plusieurs intermédiaires se relaient pour faire converger l’or noir jusqu’à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Une fois cette dernière passée, il est impossible de déterminer son origine.

Ce pétrole "intraçable" est ensuite revendu à divers clients, parfois très proches de nous. "Si vous allez faire du tourisme en Grèce ou en Bulgarie, vous avez beaucoup de chances d’avoir un litre ou deux provenant de Daesh dans votre réservoir", assure Olivier Hanne. Les grandes compagnies françaises pourraient ainsi être concernées.

Un boycott du pétrole turc serait par ailleurs inenvisageable: "Cela braquerait la Turquie, qui organiserait un marché parallèle, avec pour conséquence une amplification du phénomène", selon le chercheur. Une situation insoluble, donc, mais qui contient son lot d’espoirs. "En 2014, le pétrole était la ressource principale de Daesh, mais c’est de moins en moins le cas. Les frappes sur les convois se sont révélées efficaces". La dernière en date, œuvre de l’armée française qui a détruit 116 camions citerne, pourrait donc ne pas être vaine…

Les trafics en tous genres

L’organisation terroriste exploite évidemment les ressources se trouvant dans les territoires conquis. On pense notamment aux différents minerais, au phosphate, ou au ciment, mais aussi aux produits de l’agriculture. Tout cela s’échange avec les plus proches voisins, même s’ils s’avèrent être des ennemis idéologiques. "Parfois, le matin on s’échange un camion, et l’après-midi on se tire dessus. Nous ne sommes pas dans une économie de guerre, mais avant tout dans une économie de trafic", souligne Oliver Hanne. C’est ainsi que des armes fournies par la France (ou d’autres) à des groupes "alliés" peuvent ainsi facilement se retrouver dans de mauvaises mains...

Les donateurs privés

Difficile de connaître aujourd’hui l’identité de ces mécènes. "Ce qui est sûr, c’est qu’il y en a encore. Malgré tout, ces derniers doivent faire de plus en plus attention. On sait que des fonds ont circulé en provenance du Qatar ou d’Arabie Saoudite, vers des islamistes modérés qui combattaient Bachar Al-Assad", rappelle le chercheur. Une partie de cet argent revenait ensuite dans les mains de Daesh par les différentes formes de commerce évoquées précédemment….