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Comment l'Union européenne lutte contre les cartels

L'Union européenne a alourdi ses sanctions contre les cartels depuis les années 2000.

L'Union européenne a alourdi ses sanctions contre les cartels depuis les années 2000. - Philippe Huguen - AFP

Depuis le début des années 2000, l'UE a considérablement alourdi ses sanctions contre les entreprises ayant conclu une entente sur les prix.

Qu’on se le dise: l’Europe ne badine pas avec les règles de libre-concurrence. Ou en tout cas, ne badine plus. En témoignent les amendes infligées à de nombreuses entreprises depuis l’avènement de l’UE, la plupart pour un abus de position dominante ou pour entente sur les prix. Beaucoup d’entreprises en ont fait les frais de manière isolée, à l’image de Microsoft ou Intel.

Mais les cartels - un ensemble d’entreprises ayant convenu d’une entente pour contrôler un marché - ne sont pas épargnés, et sont de plus en plus lourdement sanctionnés.

Avec une nette accélération dans les années 2000, comme le montrent ces statistiques fournies par la Commission européenne :

La dénonciation encouragée

Objectif: obtenir un effet dissuasif sur les entreprises qui seraient tentées de s’entendre. Le tout avec une méthode peu coûteuse. "Les moyens d'investigation n’ont pas vraiment été renforcés, c’est surtout l’incitation à la dénonciation qui l’a été", rappelle Jean-Paul Tran Thiet, avocat spécialiste des questions européennes.

Le principe est simple: "La première entreprise du cartel qui dénonce bénéficie d’une immunité complète. La deuxième d’une immunité jusqu’à 50%, la troisième 10 à 30 %, et ainsi de suite, en fonction des informations nouvelles qu’elles apportent".

Avec ce fonctionnement, l’UE semble ainsi avoir trouvé son rythme de croisière. En 2017, un milliard d’euros d’amendes ont déjà été distribués. 2016 avait été l’année la plus prolifique avec 3,7 milliards, mais effectuait en quelque sorte un "rattrapage" de 2015 (365 millions), année marquée par l’arrivée d’une nouvelle commissaire européenne à la Concurrence.

Interrogations sur les priorités de l'UE

L’apparente réussite des institutions européennes pour faire respecter leur règlement fait d’ailleurs des émules. "L’Autorité de la concurrence en France est en train de s’aligner", remarque Jean-Paul Tran Thiet.

Même si ledit règlement n’est pas sans soulever certaines questions. "Les sanctions sont 10 fois plus fortes pour entente que pour du blanchiment d’argent. Elles peuvent être 5 fois plus fortes pour un abus de position dominante que pour une fraude fiscale", rappelle l’avocat.

En outre, "les montants des amendes sont décidés en fonction de la valeur des ventes affectées, et non pas en fonction de la réalité des entreprises". Si Microsoft a bien écopé de lourdes amendes, le poids de celles-ci sur son résultat net a été infime.

"Enfin, on peut s’interroger sur le fait de ne sanctionner que les entreprises", et pas les dirigeants, déplore Jean-Paul Tran Thiet. Car le temps que la procédure arrive à son terme - il faut parfois plus de 10 ans - "ceux qui héritent de la situation n’ont pas grand-chose à voir avec les pratiques mises en cause".