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Comment les élus suisses veulent contrer le référendum anti-immigrés

Les Suisses avaient approuvé la votation sur la limitation de l'immigration massive en février 2014

Les Suisses avaient approuvé la votation sur la limitation de l'immigration massive en février 2014 - Fabrice Coffrini - AFP

En 2014, les électeurs suisses se sont prononcés en faveur de la fin de l'immigration de masse. Mais la mise en œuvre de cette "votation" se heurte aux accords avec l’Union Européenne. Pour sortir de ce piège, une seule solution : un nouveau vote.

Depuis un peu plus d’un an, la confédération helvétique et l’Union européenne sont contraints de détricoter les accords bilatéraux qui avaient permis à la Suisse de doper son commerce extérieur. Un crève-coeur pour la plupart des politiques suisses mais aussi pour les entreprises du pays qui prennent conscience des nombreux effets indésirables de la votation (référendum populaire) sur la "fin de l’immigration de masse" approuvée le 9 février par 50,3% des électeurs.

Etudiants privés d’Erasmus, chute des exportations vers les pays de l’Union européenne (déjà compliquées par le renchérissement du franc suisse par rapport à l’euro), incapacité pour les entreprises suisses de recruter en Europe la main-d'œuvre spécialisée dont elles ont besoin dans un pays où le taux de chômage se limite à 3%.

Quotas et libre-échange sont incompatibles

Approuvé par les électeurs à l’instigation du premier parti du pays, la très populiste Union du Centre (UDC), le texte remet en effet en cause les accords de libre-circulation conclus avec l'Union européenne ainsi que l'Association européenne de libre-échange, qui permet aux citoyens des Etats membres de ces deux organisations d’accéder librement au marché du travail suisse. Un principe inconciliable avec la volonté exprimée par le peuple souverain de "limiter le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse (...) par des plafonds et des contingentements annuels", comme stipulé dans le texte de la votation. 

Le président du troisième parti du pays, le PLR (parti libéral-radical) croit avoir trouvé "la" solution. Philipp Müller suggère de faire voter à nouveau ses concitoyens sur un nouveau texte qui permettrait de conserver en l’état les accords signés avec l’Union européenne tout en prenant en compte les craintes que soulèvent auprès de la population liée l’arrivée continue de travailleurs immigrés européens. Essentiellement des Allemands, des Français, des Portugais et des Italiens attirés par les gros salaires que versent les entreprises d’un pays dont le PIB par habitant (84.344 dollars, 4ème rang mondial) est deux fois plus élevé qu’en France.

Refaire voter le peuple

Son idée? Renoncer à l’instauration de quotas annuels d’étrangers européens autorisés à s’installer en Suisse tout en contenant leur arrivée via l’instauration de mesures contraignantes. Les étrangers acceptés sur le territoire suisse devraient attendre au moins trois ans avant de bénéficier des aides sociales, le permis de séjour leur serait retiré dès lors qu’ils deviendraient financièrement dépendants des aides sociales, pour bénéficier du regroupement familial, un travailleur immigré devra apporter la preuve qu’il a la capacité financière d’assumer la présence de sa famille...

Pour le PLR, il y aurait une majorité d’électeurs suisses prêts à accepter cette forme de compromis entre intégration européenne et rempart contre l’immigration massive qu’ils redoutent. Les autres partis qui avaient appelé leurs électeurs à rejeter la proposition des populistes de l’UDC semblent en tout cas prêts à tenter ce "coup de poker".

Cité par le quotidien suisse, Le Temps, Dominique de Buman, vice-président du PDC, le quatrième parti du pays, reconnaît que son collègue a trouvé là un bon moyen de sortir de l’impasse: "On a toujours dit que le 9 février, les citoyens avaient surtout exprimé un ras-le-bol. Il est temps de les placer devant le véritable enjeu. S’ils disent non, alors ce sera clair, on coupe tout et on revient au point de départ, c’est-à-dire à 1992, après le vote contre l’EEE (l’espace économique européen que les Suisses avaient refusé d’intégrer,ndr)."

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco