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Comment une simple taxe a relancé les bières artisanales en Equateur

La chute des exportations pétrolières et la concurrence des produits des pays voisins dont les monnaies se sont dévaluées, le gouvernement équatorien a instauré des barrières douanières qui ont fait grimper les prix des alcools d'importation.

La chute des exportations pétrolières et la concurrence des produits des pays voisins dont les monnaies se sont dévaluées, le gouvernement équatorien a instauré des barrières douanières qui ont fait grimper les prix des alcools d'importation. - Justin Sullivan - Getty Image North America/AFP

Par protectionnisme, le gouvernement équatorien a instauré une taxe sur les produits importés qui s'est traduite par une envolée des prix des boissons alcoolisées. Du coup, les habitants se ruent sur les bières locales artisanales vendues deux fois moins cher.

Dans le sous-sol d'un immeuble du nord de Quito, un ancien caméraman brasse la "Monkey's Brew", l'une des dizaines de bières artisanales apparues en Équateur à la faveur des lourdes taxes instaurées sur les alcools importés.

David Jerbis a délaissé les paillettes du milieu de la télévision pour un local sombre où, avec son père, il brasse chaque mois quelque 1.200 litres de blonde, brune et rousse.

Dans ces 200 m2, ils ont installé de quoi "mitonner manuellement" leur propre mousse : des marmites de fermentation, des refroidisseurs, des réservoirs, des sacs de houblon et de malt, des embouteilleurs, etc.

"De nombreux consommateurs se tournent vers la bière artisanale parce que les alcools importés sont devenus très chers à cause des taxes, mais aussi parce que la qualité s'est améliorée", a-t-il expliqué à l'AFP.

En réaction à la chute des exportations pétrolières et à la concurrence des produits de la Colombie et du Pérou voisins, dont les monnaies se sont dévaluées, le gouvernement équatorien a instauré en mars des barrières douanières qui se sont traduites par des hausses des taxes sur les alcools d'importation allant jusqu'à 45%.

Cette mesure, avalisée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à condition d'être temporaire, a eu pour effet de stimuler la bière artisanale, qui se vend à 3 dollars la bouteille dans le commerce, soit environ la moitié du prix des marques d'importation qui dominent le marché mondial.

Des bières "gourmet" qui font exploser le marché

"Aujourd'hui, nous mitonnons de la brune, la "chocolate stout". Pourquoi les gens iraient gaspiller leur argent avec des produits importés s'ils peuvent trouver de la bonne qualité ici?", ajoute David Jerbis, tout en versant du malt dans une marmite d'eau bouillante qu'il mélange ensuite avec une cuillère en bois.

Les brasseries artisanales sont elles aussi touchées par la hausse des taxes sur les importations, car elles renchérissent le prix des matières premières, telles que le malt, le houblon et l'orge. Les petits brasseurs équatoriens ont donc dû ajuster leurs prix.

Mais ils espèrent que la situation s'améliorera à partir de janvier lorsque le gouvernement du président Rafael Correa commencera à démanteler le dispositif, graduellement sur six mois.

Comme aux États-Unis, en Europe ou dans d'autres pays d'Amérique latine, la bière artisanale est devenue tendance en Équateur, où sa consommation est toutefois encore loin de porter ombrage au géant local, la Cerveceria Nacional (Brasserie Nationale, ndlr) du groupe SAB Miller, qui produit la Pilsener et la Club.

Un rééquilibrage de la concurrence

Mais "les affaires marchent. Les gens aiment la bière artisanale et le marché s'accroit. Nous sommes déjà une trentaine de brasseurs", souligne M. Jerbis, par ailleurs vice-président de l'Association équatorienne des artisans brasseurs.

De plus en plus de producteurs locaux vont jusqu'à ouvrir des bars pour servir leurs propres bières, ou s'allient avec des établissements existants. À Quito, "La Reserva" sert même toutes les bières artisanales existantes sur le marché.

Après avoir étudié les techniques de brasserie à Chicago et à Munich, Nelson Calle a ouvert "Abysmo", petit commerce situé également dans le nord de Quito, où il vend sa production, dont "Afrodita", une bière "de malt et de miel, au goût un peu sucré et hautement alcoolisée". Son credo? "Proposer au consommateur un produit distinct, un produit gourmet qui a plus de corps, plus d'alcool, plus d'arôme."

"L'Équatorien moyen n'est pas très connaisseur des différents types de bières, ajoute-t-il. Mais avec ce boom des artisanales, un processus de "culturisation" s'est enclenché".

P.S. avec AFP