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Affaire Bombardier: Londres s'emmêle

Donald Trump menace d'imposer à 220% les avions Bombardier, Trudeau réplique qu'il n'achètera plus de Boeing.

Donald Trump menace d'imposer à 220% les avions Bombardier, Trudeau réplique qu'il n'achètera plus de Boeing. - Ludovic Marin - AFP

Donald Trump a annoncé que les avions civils du Canadien Bombardier, accusé de dumping, seraient imposés à 220%. Le ministre britannique de la Défense Michael Fallon a prévenu que la dispute, qui menace des milliers d'emplois en Irlande du Nord, pourrait "compromettre" les liens du Royaume-Uni avec Boeing.

La crise entre Américains et Canadiens, qui était montée d'un cran mardi avec la décision du gouvernement de Donald Trump d'imposer des droits antidumping de quelque 220% sur les avions de transport civil CSeries fabriqués par le canadien Bombardier, se poursuit. Le ministre britannique de la Défense Michael Fallon a prévenu mercredi que la dispute commerciale autour de l'avionneur canadien Bombardier, qui menace des milliers d'emplois en Irlande du Nord, pourrait "compromettre" les liens du Royaume-Uni avec Boeing.

"Ce n'est pas le comportement que nous attendons de Boeing et cela pourrait compromettre nos relations futures avec Boeing. Boeing est un partenaire majeur de défense et l'un des grands gagnants de notre dernier passage en revue des contrats de défense, donc ce n'est pas l'attitude que nous attendons d'un partenaire de long-terme. Ils vont présenter leur candidature pour d'autres contrats de défense et ce type d'attitude pourrait clairement compromettre notre relation", a précise Michael Fallon. Boeing a remporté pour des milliards de livres de contrats de défense avec le Royaume-Uni. Il a ainsi été choisi dernièrement pour lui fournir de nouveaux avions de reconnaissance maritime ainsi que des hélicoptères Apache.

Theresa May "amèrement déçue"

L'avionneur américain Boeing avait saisi ses autorités nationales, accusant Bombardier de faire bénéficier ces avions d'une capacité de 100 à 150 sièges de subventions publiques leur permettant d'être vendus en-dessous de leur prix de revient.

Tant le Canada que le Royaume-Uni, où sont fabriqués des éléments de ces appareils, avaient mis Washington en garde contre les conséquences d'une décision défavorable à Bombardier. D'ailleurs la cheffe du gouvernement britannique Theresa May, s'est dite mercredi "amèrement déçue par la première décision sur Bombardier", a tweeté sur son compte officiel la Première ministre. "Le gouvernement continuera de travailler avec l'entreprise pour protéger des emplois vitaux en Irlande du Nord", a-elle ajouté.

"Les États-Unis attachent une grande importance à leurs relations avec le Canada, mais même nos alliés les plus proches doivent respecter les règles", a affirmé le secrétaire au commerce américain Wilbur Ross, cité dans le communiqué annonçant la décision américaine. "Les subventions publiques accordées par des gouvernements étrangers sont une chose que l'administration Trump prend très au sérieux", a-t-il ajouté.

Cette décision, qui doit encore faire l'objet d'une confirmation définitive d'ici le 12 décembre, va contribuer à envenimer encore davantage les relations entre Ottawa et Washington, déjà passablement tendues par la renégociation en cours du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.

Trudeau menace de ne plus acheter Boeing

"Il est évident que la décision vise à éliminer les aéronefs de la série C de Bombardier du marché américain", a affirmé mardi soir Chrystia Freeland, la ministre canadienne des Affaires étrangères, en soulignant toutefois que "l'enquête n'en est qu'à une étape préliminaire et qu'aucun droit ne peut être imposé tant que les enquêtes ne sont pas terminées".

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait menacé la semaine dernière de ne pas acheter de chasseurs Boeing Super Hornet pour l'armée canadienne si Washington mettait ses menaces à exécution.

Outre le Canada, Bombardier est un des principaux employeurs en Irlande du nord, avec près de 8.000 personnes, dont 4.200 pour les seules activités aéronautiques, la majeure partie dans son usine de Belfast où sont fabriqués les ailes et des éléments du fuselage du CSeries.

"L'ampleur des droits est absurde"

"Nous sommes totalement en désaccord avec la décision préliminaire du département américain du Commerce", a affirmé Bombardier mardi. "L'ampleur des droits suggérés est absurde et déconnectée de la réalité du financement de programmes d'avions de plusieurs milliards de dollars. Ce résultat démontre ce que nous disons depuis des mois: les lois américaines du commerce n'ont jamais été conçues pour être appliquées de cette manière et Boeing tente d'utiliser un processus biaisé pour étouffer la concurrence et priver les compagnies aériennes américaines et leurs passagers des bénéfices des avions CSeries", a ajouté le groupe canadien dans un communiqué.

Boeing avait protesté après l'achat par la compagnie américaine Delta Air Lines de 75 avions CSeries. Le groupe américain accusait Bombardier d'avoir vendu chaque CS100 19,6 millions de dollars américains (16,3 millions d'euros) pour un coût de fabrication de 33,2 millions USD.Les droits désormais imposés par Washington portent théoriquement le coût de chaque appareil vendu à Delta à plus de 60 millions de dollars.

Bombardier emploie 23.000 Américains

Cette décision américaine tombe au moment où les négociateurs américains, canadiens et mexicains ont des désaccords sur la renégociation de l'Aléna. Pour Chrystia Freeland, faire payer des droits antidumping à Bombardier pénaliserait les sous-traitants américains de Bombardier qui emploient "directement près de 23.000 salariés bien rémunérés dans de nombreux États américains".

Le syndicat canadien des machinistes s'est aussi élevé contre cette décision qu'il a qualifiée de "plus politique que juridique", en qualifiant de "folie" le montant des droits imposés par Washington. "Si pour les Américains l'Aléna est mort, qu'on nous le dise tout de suite", a lancé David Chartrand, le président du syndicat. Le Premier ministre québecois Philippe Couillard a déploré une "décision injustifiée" en assurant les salariés de Bombardier du soutien de la province francophone où le CSeries est assemblé.

N.G. avec AFP