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Et les entrepreneurs grecs, comment font-ils?

Les entrepreneurs grecs s'accrochent pour continuer à faire tourner leur affaire avec 60 euros de liquide par jour.

Les entrepreneurs grecs s'accrochent pour continuer à faire tourner leur affaire avec 60 euros de liquide par jour. - LOUISA GOULIAMAKI - AFP

Après trois jours de restriction des retraits bancaires à 60 euros par jour en Grèce, les chefs d'entreprise souffrent, mais s'accrochent pour continuer à faire tourner leur affaire.

Dans la tempête, les entrepreneurs grecs se cramponnent. Le pâtissier avait mis du liquide de côté, mais l'assureur ne peut pas renouveler les contrats de tous ses clients et l'exportateur d'épicerie fine a du mal à s'approvisionner: à chaque métier, ses premières difficultés après trois jours de restriction des opérations bancaires en Grèce.

Les aguerris de la crise grecque avaient pris leurs précautions. Quand le gouvernement a décrété la fermeture des banques pour huit jours et la limitation des retraits bancaires, Taso Paraskevopoulos avait "mis de côté autant d'argent que possible".

"Pour les charges, pour les fournisseurs, j'ai parfois besoin de centaines d'euros par jour, je ne peux pas me permettre d'être à court", explique le pâtissier du centre d'Athènes qui nourrit peu de bienveillance envers Syriza mais préfère l'ironie à la colère.

Paie en avance

Même prévoyance chez Air Liquide: l'entreprise de fourniture de gaz à usage professionnel, qui emploie 130 personnes en Grèce, avait "payé en avance ce mois-ci les salariés pour qu'ils puissent aller retirer leur argent", explique un porte-parole.

Depuis cinq mois que les négociations entre la Grèce et ses créanciers allaient de sommets infructueux en vaine réunion d'urgence, un contrôle des capitaux était devenu de plus en plus inéluctable pour protéger le système bancaire saigné par une accélération des retraits depuis le mois de décembre.

"Nous avons la chance de produire localement et de vendre localement en travaillant avec des salariés locaux. A nos quelques fournisseurs étrangers, nous avons communiqué la décision du gouvernement en leur demandant de faire preuve de patience", explique-t-on chez Air Liquide. Le contrôle des capitaux interdit les transferts d'argent à l'étranger, sauf cas exceptionnel soumis à une commission du Ministère des Finances.

Un client paiera dans 120 jours

Les entreprises qui importent leurs matières premières sont donc les plus pénalisées, explique Vassilis Korkidis, président de la Confédération nationale du commerce hellénique (ESEE). Chez Moschous, vieille entreprise d'extraction d'un marbre blanc vendu dans le monde entier, on avait aussi fait preuve de prévoyance "en commandant des machines d'avance", se félicite le patron Constantin Baxevanakis.

Il est en revanche beaucoup plus inquiet pour la suite, peu confiant dans un retour à la normale la semaine prochaine, après le référendum de dimanche comme le promet le gouvernement. Les mesures d'exception bancaires "vont durer", prédit-il.

"C'est facile de fermer les banques, plus compliqué de les rouvrir", anticipe Stathis Potamitis, à la tête d'un cabinet d'avocats qui emploie une centaine de personnes. "Un grand client m'a appelé mardi pour me dire qu'il paierait dans 120 jours", témoigne-t-il.

Dans deux mois, on ferme

Et comment faire si ça dure, s'inquiète déjà Sotiris Papantonopoulos, dirigeant de la jeune société de courtage d'assurance en ligne Insurancemarket. Lancée en pleine crise, en 2011, elle emploie aujourd'hui 70 salariés, en prévoyait 60 de plus dans les prochains mois. "Mais tout est suspendu", affirme Sotiris Papantonopoulos, visiblement très affecté.

"Si ces mesures restent en vigueur deux mois, on ferme, c'est fini. Notre chiffre d'affaires a déjà baissé de 70% ces jours-ci", témoigne-t-il, assurant que plusieurs clients qui devaient renouveler leurs contrats cette semaine n'ont pu le faire, faute d'argent liquide.

Les retraits aux distributeurs sont limités à 60 euros par jour, ce qui complique l'activité économique d'un pays où les transactions électroniques sont moins développées que dans la plupart des pays européens.

La chasse au cash, sport national

C'est ce qui cause un vrai casse-tête à Thomas Douzis, patron de la société d'épicerie fine "Ergon", l'une des dernières success-stories du secteur agroalimentaire grec.

"Notre approvisionnement repose sur environ 300 petits producteurs de tout le pays qui ne sont pas toujours équipés pour les transactions électroniques et veulent être payés en liquide. Le téléphone sonne toutes les heures", s'alarme le jeune entrepreneur de 28 ans qui craint que l'ouverture de son troisième magasin à l'étranger, prévu à Miami fin août, soit remise en question.

La chasse au cash semble être devenue un sport national. Katerina N. s'est vu demander par son garagiste le paiement d'une réparation de 350 euros en liquide, idem pour la pharmacienne athénienne Dimitra Papageorgiou à laquelle ses fournisseurs refusent désormais les chèques. "Alors que nous-mêmes sommes payés avec beaucoup de retard par l'Etat", se désole-t-elle.

N.G. avec AFP