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Comment la Fed peut influencer l'économie mondiale?

Le siège de la Réserve fédérale américaine, à Washington aux Etats-Unis.

Le siège de la Réserve fédérale américaine, à Washington aux Etats-Unis. - -

La Réserve fédérale américaine entame ce mardi 17 septembre son comité de politique monétaire. Une réunion aux enjeux majeurs pour l'économie mondiale. Voici pourquoi.

La planète finance retient son souffle en ce début de semaine. Mardi 17 et mercredi 18 septembre se tient le comité de politique monétaire de la Réserve Fédérale américaine. Son président Ben Bernanke, devrait s'exprimer sur le très attendu calendrier de sortie de sa politique accommodante de soutien à l'économie. Cinq questions pour comprendre les enjeux de ce sujet.

> Pourquoi la réunion est si importante?

Le président de la Fed devrait y préciser les modalités de ralentissement du soutien de l'institution à l'économie américaine, une éventualité qui fait peur à la finance internationale. En mai 2013, lorsqu'il a seulement évoqué cette sortie, les taux d'intérêt sont remontés sur tous les continents, les devises étrangères se sont effondrées, et la progression du prix des actions a calé.

> Comment la Fed soutient l'économie?

Après la crise des subprimes en 2007, la Fed entreprend de baisser son taux directeur à un niveau proche de zéro, et de le maintenir stable à ce seuil. Ce taux détermine le taux de prêts des banques et le taux de rémunération des dépôts des ménages.

"Plus il est bas, moins il est cher pour les entreprises d'emprunter, et moins le taux d'épargne est avantageux", explique Slavena Nazarova, économiste chez Crédit agricole-CIB. Donc les entreprises peuvent obtenir plus facilement du capital pour investir, et les ménages sont incités à consommer plutôt qu'à garder leur fonds sous leur matelas.

Mais toutes les banques centrales mondiales ont entrepris de baisser leur taux directeur à un niveau proche de leur plancher depuis la crise. Cela ne suffit pas, alors la Fed sort l'artillerie lourde: l'assouplissement quantitatif, un programme de rachat d'actifs via lequel elle acquiert massivement de la dette souveraine américaine et des crédits titrisés.

L'institution fait ainsi baisser mécaniquement le taux d'intérêt sur ces obligations. Elle fournit du cash aux banques, investisseurs, fonds de pension qui détenaient ces titres. Réinvesti sur les marchés, il fait progresser la valeur des actions. Les ménages américains en profitent puisque, culturellement, ils investissent beaucoup sur les marchés financiers: ils se trouvent virtuellement plus riches, et plus enclins à consommer.

> Pourquoi la Fed veut ralentir ses rachats d'actifs?

Parce que c'était une mesure exceptionnelle qui n'a pas lieu de se maintenir si l'économie s'améliore. Or la reprise est palpable aux Etats-Unis depuis début 2013. "Le niveau de PIB d'avant-crise est aujourd'hui largement dépassé", souligne Slavena Nazarova.

La Fed n'envisage pas pour autant de mettre fin à sa politique monétaire accommodante. Mais elle compte ralentir ses rachats d'actifs, de manière très progressive et modeste. Actuellement, elle achète pour 85 milliards de dollars par mois de dette américaine et de crédits titrisés. Elle devrait réduire ce montant de 10 à 15 milliards par mois. Mais la Réserve fédérale ne pourra pas garder éternellement ces titres. Un jour, il va falloir qu'elle revende ces actifs, et c'est là que l'opération se complique.

> Quelles sont les conséquences de la fin de cette politique?

Le sortie du programme de rachat d'actif doit se faire de manière très lente et transparente, met en garde la spécialiste du Crédit Agricole-CIB. Si la Fed arrêtait brusquement ses rachats de dette et de titres, ou pire, à les vendre en masse, leur prix s'effondrerait, entraînant des réactions en chaîne. L'aversion au risque culminerait, les marchés actions chuteraient, les taux de financement des Etats-Unis exploseraient, comme les taux d'emprunts et les crédits hypothécaires…

Au-delà du seul continent américain, les marchés émergents à déficit courant (structurellement importateurs de marchandises) comme l'Inde, l'Indonésie, l'Afrique du Sud ou la Turquie, pourraient en pâtir.

Le resserrement de la politique monétaire américaine ferait remonter le dollar, donc se déprécier les monnaies étrangères. Les importations de marchandises leur coûteraient plus cher. Pour juguler l'inflation, ces pays devraient remonter leur propre taux directeur, ce qu'ils sont réticents à faire parce que cela porterait préjudice à leurs exportations et à la demande interne, précise Slavena Nazarova.

> L'Europe peut-elle souffrir des évolutions de la politique monétaire américaine?

Les services du Crédit Agricole-CIB constatent que, parallèlement à la hausse des taux américains, les taux de l'Allemagne et de la France augmentent, dans une moindre mesure. De 80 points de base sur le Bund depuis le début du mois de mai. Il pourrait donc y avoir un impact à la hausse sur les taux européens. La Banque centrale européenne tente toutefois de découpler les taux américains des taux européens, en martelant qu'elle va garder une politique de taux bas pour une durée prolongée.

>> Retrouvez mercredi 18 septembre, de 20h30 à 22h, une "émission spéciale Fed" sur BFM Business

Nina Godart