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Jacques Mistral (Ifri): "la guerre de demain va opposer le paysan chinois au fermier de l'Iowa"

Jacques Mistral, directeur de l’IFRI, auteur de Guerre ou paix entre les monnaies, dans Good Morning Business ce 29 janvier.

Jacques Mistral, directeur de l’IFRI, auteur de Guerre ou paix entre les monnaies, dans Good Morning Business ce 29 janvier. - -

Le directeur de l’Institut français des relations internationales, auteur de "Guerre ou paix entre les monnaies", a expliqué sur BFM Business ce mercredi 29 janvier, comment la situation actuelle pourrait mener à une violente guerre mondiale des monnaies.

"L'Amérique est de retour, [sa] bonne santé s'est propagée au reste du monde, les bourses montent, l'or baisse. […] Les perspectives d'exploitation à grande échelle du pétrole et du gaz non-conventionnel favorisent une baisse des prix des énergies dont les Etats-Unis ne sont plus les seuls à bénéficier, provoquant une sorte de contrechoc pétrolier favorable à la consommation…".

Ainsi commence "Guerre ou paix entre les monnaies", le livre de Jacques Mistral. La thèse du directeur de l’Ifri, qu'il a développé sur BFM Business ce mercredi 29 janvier, est que cette reprise mondiale, tirée par les Etats-Unis, est menacée par l'éventualité d'une guerre des monnaies.

"Certains pays font déjà face à des difficultés d'ajustement après le changement de politique monétaire américaine", admet-il, "mais ce changement n'est pas la guerre, c'est le retour à une meilleure logique économique".

"La politique de Ben Bernanke sur les dernières années [de son mandat de président de la Réserve fédérale américaine] a été dangereuse parce qu'elle utilisait les mêmes instruments et mécanismes que ceux qui ont créé la crise des subprimes dans les années 2000".

En 2029, les Etats-Unis font défaut

Le retournement de cette politique monétaire, amorcé fin 2013, est "une manœuvre extrêmement sensible", a-t-il souligné, notamment parce qu'il "transforme les relations entre les Etats-Unis et les pays émergents. Il pousse les capitaux à sortir des pays émergents, avec des conséquences sur l'ajustement des taux d'intérêt dans ces pays."

En 2029 selon un scénario catastrophe envisagé par le chercheur, "après avoir sous-estimé les dangers de la situation actuelle, au lieu de prendre les mesures qui s'imposent pour remettre en ordre dans les affaires monétaires internationales, et pas seulement dans tel et tel pays, les choses vont se déliter". Jusqu'à "un défaut des Américains sur leur dette".

"Le conflit de demain est celui entre les créditeurs et les débiteurs, entre le paysan chinois et le fermier de l'Iowa. Lorsque le paysan chinois va devenir retraité, il va vouloir récupérer l'épargne qu'il a placée aux Etats-Unis. Il y en a pour quelques milliers de milliards de dollars. La question est de savoir si le paysan de l'Iowa voudra bien payer des impôts supplémentaires pour honorer cette dette. S'il accepte, les choses iront bien, Sinon, cela tournera mal", a résumé l'économiste.

La leçon à retenir, pour Jacques Mistral, est qu'il ne faut pas nourrir d'illusion sur la qualité de la reprise actuelle. Il faut développer un "climat de coopération internationale qui s'améliore" pour faire face aux difficultés qui se présente, aujourd'hui dans les émergents. "La coopération internationale marche quand elle est institutionnalisée, or le G20 est une structure trop fragile".

N.G.