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La BCE rachète des obligations d'entreprises pour booster l’inflation

Le bâtiment principal de la Banque centrale européenne, à Francfort-sur-le-Main.

Le bâtiment principal de la Banque centrale européenne, à Francfort-sur-le-Main. - AFP - Daniel Roland

"Six banques centrales nationales - dont la Banque de France et la Bundesbank -, se voient confier par la Banque centrale européenne la mission de racheter des obligations pour inciter les entreprises à investir."

C’est un nouvel élément inédit de la panoplie de mesures qu'elle déploie depuis des mois pour faire repartir l'inflation : la Banque centrale européenne (BCE) commence ce mercredi à racheter des obligations émises par les entreprises de la zone euro.

L'institution monétaire va ainsi financer directement des groupes pharmaceutiques, des compagnies aériennes ou des constructeurs automobiles. Les entreprises françaises, plus enclines que d'autres en Europe à se financer sur le marché obligataire, sont en première ligne pour profiter de ces nouvelles largesses.

Inciter à investir

La BCE fait déjà pour 80 milliards d'euros d'emplettes par mois sur les marchés pour revigorer l'économie de la zone euro et les prix. C'est son programme d'"assouplissement quantitatif", ou "QE", élément central de sa stratégie pour faire repartir l'inflation, aux côtés de baisses de taux d'intérêt et de prêts géants aux banques. Le "QE" portait pour le moment principalement sur les obligations émises par les 19 États du bloc monétaire.

À partir de mercredi, la BCE - en fait six banques centrales nationales dont la Banque de France et la Bundesbank, auxquelles la BCE confie les rachats - pourra aussi faire son marché parmi les obligations d'entreprises. Objectif: faciliter le financement de celles-ci, pour les inciter à investir.

Un marché relativement petit

Vont-elles le faire? Difficile à dire. Beaucoup de sociétés émettent de la dette pour financer des acquisitions. Mais aussi souvent pour rembourser d'anciens crédits. Les obligations d'entreprises ne devraient représenter qu'une petite partie des 80 milliards d'euros déboursés par la BCE chaque mois. Beaucoup d'analystes misent sur un volume mensuel de 5 à 10 milliards d'euros, ceux de Commerzbank ont un pronostic de 3 à 5 milliards.

La BCE "devrait faire ses débuts sur ce marché à petits pas, pas en fanfare", prédisent-ils dans une note. Le marché pour ces produits n'est pas énorme - beaucoup moins gros que celui des obligations souveraines - et la BCE s'est fixée certaines règles qui restreignent sa marge de manoeuvre. Elle ne rachètera par exemple pas d'obligations émises par des banques.

Un coup de chaud passager

Le volume de produits éligibles est estimé entre 500 et 700 milliards d'euros. En rachetant 5 milliards par mois jusqu'à mars 2017, la date de fin prévue du "QE", la BCE mettrait la main sur jusqu'à 10% du marché. L'annonce en mars par la BCE qu'elle allait intervenir sur ce segment, une première à cette échelle pour une grande banque centrale, avait donné un coup de chaud au marché obligataire. Les taux ont alors baissé de manière marquée, et les nouvelles émissions se sont succédées à un rythme soutenu, dont la plus grosse opération en euros de tous les temps par le brasseur AB Inbev (plus de 13 milliards d'euros).

Certains ont même vu dans plusieurs émissions en euros d'entreprises américaines, comme Fedex ou IBM, une manifestation des espoirs qu'elles fondaient sur l'appétit de la BCE. Mais depuis les choses sont quasiment revenues à la normale. Pour Louis Harreau, stratégiste de Crédit Agricole CIB à Paris, le programme de rachats d'obligations d'entreprises "est déjà largement dans le marché", dit-il à l'AFP. Ulrich Kirschner, d'Helaba à Francfort, estime aussi que "les mouvements de mars devraient déjà avoir pris en compte l'essentiel" des rachats, et les analystes d'Unicredit prédisent "un impact limité" sur les taux.

Des taux toujours bas

En revanche, anticipe Commerzbank, l'inclusion au QE des obligations d'entreprises pourrait "soulager" le marché de la dette publique, où les titres se raréfient face à l'appétit de la BCE, et où les taux descendent toujours plus bas.

La BCE communiquera pour la première fois le 18 juillet, puis à un rythme hebdomadaire, sur ses rachats d'obligations d'entreprises, mais sans révéler lesquelles elle a en portefeuille.

A.R. avec AFP