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La Grande-Bretagne vit-elle vraiment un miracle économique?

La croissance britannique a été 2,6% en 2014 (image d'illustration: photo d'artistes défilant lors des jeux olympiques en 2012).

La croissance britannique a été 2,6% en 2014 (image d'illustration: photo d'artistes défilant lors des jeux olympiques en 2012). - Gabriel Bouys - AFP

Le Royaume-Uni a publié mardi 27 janvier une croissance de 2,6%, battant largement les autres grandes économies de l'Union européenne. Mais comment interpréter ce chiffre? Eléments d'explications avec l'économiste de l'OFCE, Catherine Mathieu.

La locomotive britannique n'en finit plus d'accélérer. Mardi 27 janvier, l'Office national des statistiques (ONS), l'Insee britannique, a publié sa première estimation de croissance pour l'ensemble de l'année 2014.

Il en ressort un chiffre de +2,6% qui rendrait jaloux beaucoup de pays européens. De bon augure pour le Premier ministre britannique David Cameron qui, cette année, va faire face au vote des électeurs avec une élection générale programmée pour mai prochain.

Mais ces 2,6% de croissance annuelle représentent-ils une véritable performance pour l'économie britannique? Eléments de réponse avec les éclairages de Catherine Mathieu, économiste à l'OFCE et spécialiste du Royaume-Uni.

> Quels sont les éléments les plus remarquables de la croissance britannique?

"L'un des éléments moteurs de la croissance du Royaume-Uni est clairement l'investissement des entreprises qui s'est désormais enclenché depuis plusieurs trimestres. Ce qui n'a pas été le cas de plusieurs pays de la zone euro. Néanmoins, il faut voir que l'activité dans l'industrie reste inférieure à son niveau d'avant-crise de cinq points.

De fait, la croissance britannique a accéléré grâce aux services et surtout aux services de santé (dont l'activité a augmenté de 20 points par rapport à son niveau d'avant 2008) car il s'agit de l'un des rares secteurs qui a été épargné par les coupes budgétaires du gouvernement de David Cameron. Le deuxième secteur qui a tiré la reprise est celui des services immobiliers, le Royaume-Uni n'ayant pas connu de forte correction à la baisse des prix. Au contraire, depuis deux ans ces prix repartent à la hausse".

Catherine Mathieu, économiste à l'OFCE
Catherine Mathieu, économiste à l'OFCE © OFCE

> Qu'en est-il de la consommation des ménages?

"Elle a fait partie des éléments les plus en retrait de la reprise jusqu'au début de 2014, en raison de la baisse des revenus des ménages. Les entreprises ont, en effet, limité les hausses de salaires autour de 1% alors qu'on a eu en 2012 et 2013 une inflation autour de 2,7% voire 3%. Le pouvoir d'achat des ménages baissait en termes réels. Mais depuis six mois on observe en Grande-Bretagne, comme dans le reste de l'Europe, un fort ralentissement de l'inflation. Ce qui a donc redonné du pouvoir d'achat aux ménages".

> Peut-on parler d'une performance remarquable?

"Ce chiffre de 2,6% est nettement supérieur à la croissance des pays de l'Europe continentale. En France, la croissance est proche de zéro, en Allemagne elle tourne autour de 1%. Mais il faut voir que le Royaume-Uni avait connu une chute d'activité plus forte que la France par exemple, au début de la crise, c’est-à-dire à partir du premier trimestre 2008. Certes, le PIB Royaume-Uni a désormais dépassé son niveau de croissance d'avant-crise. Mais il est supérieur de 3,5% seulement à ce niveau, alors qu’en l’absence de crise il aurait augmenté d’environ 2,3% par an…. Une croissance de 2,6% aujourd’hui n'est donc pas un niveau si exceptionnel. En fait ces chiffres montrent que le Royaume-Uni est toujours en phase de rattrapage. De plus, le cycle de reprise a été plus lent qu'il aurait normalement dû être. Le Royaume-Uni aurait dû retrouver son niveau d'avant-crise depuis au moins deux ans déjà ".

> L'activité de la Grande-Bretagne n'a-t-elle pas tendance à être plus volatil qu'en France ?

"Au Royaume-Uni, les cycles économiques sont effectivement plus prononcés qu'en France. Derrière ce phénomène, on trouve le rôle prédominant de la Finance qui est moins réglementée qu'en France. C'est le cas pour l'endettement des ménages: il est plus simple de s'endetter pour acquérir un bien ou pour consommer au Royaume-Uni qu'en France, où les règles sont plus contraignantes. Le taux d'endettement des ménages y est plus élevé et le taux d'épargne est lui plus faible. En conséquence, la consommation des ménages est beaucoup plus fluctuante selon l'activité économique. Par ailleurs, dans la crise récente de 2007-2008, les services financiers, un secteur dont le poids est plus important au Royaume-Uni qu’en France, ont été plus particulièrement touchés".

Propos recueillis par Julien Marion