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Le franc suisse flambe et menace l'économie helvétique

Les entreprises suisses ne sortiront pas indemnes de la flambée de la monnaie helvétique

Les entreprises suisses ne sortiront pas indemnes de la flambée de la monnaie helvétique - Fabrice Coffrini - AFP

La monnaie helvétique a dévissé de plus 25% après que la Banque nationale Suisse a annoncé qu'elle renonçait à défendre sa parité face à la monnaie unique. Et la Bourse de Zürich dégringolait, elle, de 13% à la mi-séance.

Du jamais vu. Ce jeudi 15 janvier, le franc suisse a bondi de plus de 25% en l'espace de quelques instants, passant de 1,20 franc suisse pour un euro à 0,85 avant de remonter au-dessus de 1 franc suisse pour un euro.

"Jamais une telle baisse n'avait été observée en seulement quelques minutes sur l'une des devises principales, c'est historique", commente Alexandre Baradez, chef de la stratégie marché chez IG France.

La raison de cette flambée: l'annonce provenant de la Banque nationale suisse (BNS) qui a décidé d'abandonner le taux plancher de 1,20 franc suisse pour un euro afin d'empêcher la monnaie helvétique de s'apprécier. 

Depuis 2011, l'institution monétaire helvétique défendait cette parité en intervenant sur le marché des changes. Mais ce mardi, la BNS a renoncé à poursuivre la défense de ce taux. Ce qui a donc provoqué une appréciation massive de la monnaie helvétique sur les marchés.

Une surprise

Pour Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics, l'annonce de la BNS est "surprenante" dans la mesure où "la banque avait annoncé il y a moins d'un mois qu'elle s'engageait à défendre ce taux plancher de 1,20 euro pour un franc suisse et qu'elle ferait tout" pour renforcer cette défense.

Alexandre Baradez est sur le même constat: "la réaction du marché témoigne de la surprise que constitue cette annonce. Il n'y a pas que le marché des changes qui est impacté mais également les taux et les actions. C'est un véritable choc multi-marchés". Après l'annonce de la BNS, la Bourse de Zürich, le SMI (pour Swiss Market Index) s'effondrait de 13% à la mi-séance.

Qu'est-ce qui a poussé la BNS à jeter l'éponge? Alexandre Baradez rappelle que pour défendre ce taux plancher l'institution helvétique est obligée d'acheter des devises étrangères sur le marché "ce qui lui coûtait cher". Or, "le risque est que la BNS se retrouve en première ligne au moment où la Banque centrale européenne lancera son Quantitative easing (QE)", explique-t-il. Le QE de la Banque centrale européenne (BCE) consiste en des rachats massifs de dette, qui, une fois entrepris, auraient pour effet d'injecter des quantités massives d'euro sur le marché.

La BNS aurait alors été obligé de redoubler ses efforts pour empêcher le franc suisse de s'apprécier, alors que l'euro aurait été coulé par l'action de la BCE. Dans son communiqué, la BNS fait d'ailleurs implicitement référence à cette possibilité: "Les disparités entre les politiques monétaires menées dans les principales zones monétaires ont fortement augmenté ces derniers temps et pourraient encore s’accentuer(…) Dans ce contexte, la Banque nationale est parvenue à la conclusion qu’il n’est plus justifié de maintenir le cours plancher".

"Une mauvaise nouvelle pour l'économie suisse"

Reste que cette annonce ne sera pas sans dommage pour la confédération helvétique."C'est clairement une mauvaise nouvelle pour l'économie suisse"', résume Alexandre Baradez. La hausse du franc suisse par rapport à l'euro risque de rendre d'autant plus faible l'inflation du pays qui était déjà anémique (0% en 2014 selon l'Office fédéral de la statistique). Avec un franc suisse plus cher, les entreprises exportatrices suisses seront handicapées, le luxe et l'industrie horlogère notamment.

Dans un note citée par la Tribune de Genève, les experts du service recherche de la banque UBS estiment que la décision de la BNS va réduire de 5 milliards de francs suisses, soit 5 milliards d'euros, les exportations suisses.

En conférence de presse, Thomas Jordan, le président de la BNS a d'ailleurs prévenu que les sociétés suisses pourraient faire face à un taux de 0,90 franc suisse pour un euro.

Première réaction du côté de Holcim : le géant suisse du ciment Holcim, qui doit fusionner avec son homologue français Lafarge, a préféré rassurer les investisseurs en affirmant "rester engagé par le projet de fusion avec Lafarge", malgré les décisions de la BNS.

Julien Marion