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Angus Deaton, le Nobel d'Economie que Bill Gates adore

Angus Deaton est connu pour ses travaux portant sur la pauvreté

Angus Deaton est connu pour ses travaux portant sur la pauvreté - Nobel Academy

Après le français Jean Tirole en 2014, c'est un Ecossais qui, ce lundi 12 octobre, a obtenu la plus haute distinction pour un économiste. Professeur de l'Université de Princeton, il est l'auteur d'ouvrages sur la consommation et la pauvreté qui ont beaucoup marqué. Il a notamment répondu à cette question clé: à partir de quand l'argent ne fait-il plus le bonheur?

Angus Deaton a reçu son cadeau d'anniversaire une semaine avant l'heure. L'économiste, qui doit fêter ses 70 ans le 19 octobre prochain, s'est vu décerné ce lundi 12 octobre, le prix Nobel d'Economie, succédant ainsi au Français Jean Tirole.

Il est ainsi récompensé pour ses travaux portant sur la consommation et la pauvreté et remporte ainsi un prix de 8 millions de couronnes soit un peu plus de 860.000 euros.

On remarquera qu'il s'agit, fait rarissime, de la deuxième année consécutive que le prix Nobel d'Economie est attribué à un seul économiste. Le plus souvent cette récompense est en effet décernée à plusieurs chercheurs dont les travaux sur un domaine sont complémentaires.

Trois avancées majeures

L'académie royale suédoise des sciences explique que le prix vient surtout récompenser trois domaines particuliers parmi les travaux du nouveau Prix Nobel.

Le premier porte sur la demande. En 1980, Angus Deaton s'est ainsi penché, avec son collègue John Muellbauer, sur la façon dont les ménages choisissent d'orienter leurs dépenses. Ils ont ainsi crée le "système de demande presque parfait", un modèle qui 35 ans après sa création reste toujours un outil incontournable pour les décideurs politiques, souligne l'Académie royale de Suède.

Le deuxième pan de ses travaux ont pour objet la relation entre les revenus et la consommation. Au début des années 1990, Angus Deaton rédige plusieurs analyses visant à démontrer que les théories actuelles ne permettent pas de comprendre pourquoi les dépenses de consommation des individus ne varient pas de la même façon que leurs revenus. La raison est simple: les travaux de l'époque prennent en compte les revenus moyens ou l'ensemble des revenus d'un pays. Or pour comprendre les dépenses d'un individu, il faut prendre en compte ses ressources personnelles, argue l'économiste.

Enfin, dans ses derniers travaux, Angus Deaton a souligné combien la compréhension de la consommation des ménages permet de cerner le développement économique d'un pays et, ainsi, de mieux lutter contre la pauvreté."Il a également démontré que l'usage intelligent de données sur la consommation peuvent mettre en lumière des problèmes tels que le lien entre les revenus et la consommation de calories, ou encore de la discrimination homme-femmes au sein d'un foyer", explique l'académie royale de Suède.

Les interventions médiatiques les plus récentes d'Angus Deaton portent surtout sur un thème cher à Thomas Piketty: les inégalités. "Si les riches peuvent aujourd'hui définir les règles, alors nous avons un vrai problème", soulignait-il fin 2013. Le nouveau Prix Nobel estime que les "gens riches ont un devoir moral de réduire la pauvreté et la maladie dans le monde". Mais Angus Deaton se montre aussi critique vis à vis de l'aide internationale, comme le note l'économiste d'Harvard, Dani Rodrik, sur Twitter. 

Recommandé par Bill Gates

Dans son livre publié en octobre 2013 , The Great Escape ("La Grande Evasion", distingué notamment par Forbes et Bloomberg), il écrit que jusqu'ici l'aide internationale aux pays pauvres a été inefficace, voire même contre-productive. Il en vient même à demander sa suppression.

Angus Deaton explique dans cet ouvrage que les aides servent surtout à la corruption et ne bénéficient que rarement aux plus pauvres. Si des nations sont encore pauvres, ce n'est, selon lui, non pas en raison d'un manque de ressources, mais d'institutions, de politiques et de gouvernements "toxiques et défaillants", indique le New York Times dans sa critique du livre.

L'ouvrage a été acclamé."Si vous voulez comprendre pourquoi le bien-être humain a globalement progressé au cours du temps vous devez lire ce livre!". Le conseil est alors signé Bill Gates.

75.000 dollars la limite du bonheur

Par ailleurs, Angus Deaton a également tenté de répondre à une question existentielle: à partir de quand l'argent ne fait-il plus le bonheur? En 2011, avec le chercheur en psychologie Daniel Kahneman, il tente d'y réfléchir en se basant sur les données de l'institut Gallup.

Résultat? Difficile de trancher, répondent les deux collègues. Mais toutefois, ils notent que, selon les résultats observés, le bonheur est optimal à partir de 75.000 dollars. Au-delà de ce seuil, les individus ne sont pas plus heureux avec davantage de revenus. 

Retrouvez le CV complet du lauréat 2015 du Prix Nobel