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Les Algériens digèrent mal la loi les obligeant à payer par chèque

Outre le transport, le problème est qu'il faut également vérifier que chaque billet (ici celui de 1.000 dinars algériens) n'est pas contrefait.

Outre le transport, le problème est qu'il faut également vérifier que chaque billet (ici celui de 1.000 dinars algériens) n'est pas contrefait. - Philippe Merle - AFP

Depuis le 1er juillet, la législation algérienne contraint à payer par chèques, virements ou cartes bancaires, les plus gros achats (immobilier, automobile, bateaux, métal précieux...). Problème: les Algériens rechignent.

C'est une réforme qui peine à convaincre les Algériens. Le 1er juillet dernier un décret publié au Journal Officiel a rendu obligatoire le paiement de certaines transactions par des moyens scripturaux, c'est-à-dire des chèques ou encore des cartes bancaires.

Concrètement, les achats en question concernent les montants supérieurs à 5 millions de dinars algériens (environ 42.800 euros) dans le cas des biens immobiliers. Pour les automobiles, les yachts, les bateaux de plaisance, les pierres et métaux précieux, le seuil est de 1 million de dinar algérien, soit environ 8.500 euros.

L'objectif du gouvernement est double: lutter contre l'argent sale et réduire les liquidités en circulation. Les Algériens ont en effet pour habitude de tout régler en espèces, y compris les achats de biens très onéreux. Comme le souligne Jeune Afrique, on parle d'économie de la "chkara", expression locale désignant un sac rempli de billets. Et pour cause: la plus grosse coupure en circulation -2.000 dinars- vaut l'équivalent de... 17 euros. Autrement dit, pour payer, en liquide, une maison à 50.000 euros, au moins 3.000 billets sont nécessaires. Imaginez si en plus il faut vérifier si chacun d'entre eux n'est pas un faux.

Un problème de confiance

Mais, un peu plus d'un mois après l'entrée en vigueur de la mesure, les Algériens rechignent à changer leurs habitudes. "Chez la majorité de mes clients, soit ils ne font pas confiance au système bancaire (...) soit ils n'ont pas la culture d’utilisation du chèque, tandis que la plupart d’entre eux n’a même pas de compte bancaire. Comment les obliger, du jour au lendemain, à régler par chèque l'achat d'un bien immobilier ou une autre transaction?", souligne ainsi un notaire interrogé par l'agence Algérie Presse service.

Selon ce même notaire, une application brusque de ce décret risque de pousser les Algériens à chercher des "brèches" législative, en tentant par exemple de transformer une transaction immobilière en don auprès du notaire, alors que le règlement s'est fait au noir entre l'acheteur et le vendeur.

Autre risque: l'abandon pure et simple de la transaction. Le notaire explique ainsi qu'un de ses clients a renoncé à vendre un bien immobilier d'une valeur de 100 millions de dinars algériens (800.000 euros).

Ecourter les délais

De fait, la mesure a tendance à freiner les acheteurs et pas seulement sur le marché immobilier. L'agence Algérie presse cite ainsi un responsable de vente d'un concessionnaire automobile européen. Selon lui, 80% des ventes se faisaient par cash avant le 1er juillet. Depuis, "nous avons eu des gens venus pour acheter mais qui ont fait marche arrière car ne possédant pas de compte bancaire", assure-t-il. 

En cause l'efficacité du système bancaire algérien. "Les banques mettent trois jours pour traiter un chèque et sept jours pour un virement. C'est beaucoup et cela nous empêche de respecter le délai maximum exigé pour la livraison des voitures, à savoir sept jours", explique ainsi Sofiane Hasnaoui, le président de l'Association des concessionnaires automobiles algériens, là encore interrogé par l'agence Algérie presse. Il appelle ainsi les banques à écourter les délais de traitement.

J.M.