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Les marchés doivent-ils craindre un nouveau Syriza au Portugal?

Antonio Costa, le leader du Parti Socialiste au Portugal

Antonio Costa, le leader du Parti Socialiste au Portugal - Jose Manuel Ribeiro -AFP

Le gouvernement de Pedro Passos Coelho a chuté ce mardi 10 novembre, défait par une alliance de gauche inédite. Les marchés s'inquiètent, mais doit-on vraiment craindre ce changement politique? Explications.

Un fait politique inédit s'est produit au Portugal ce mardi 10 novembre. Le gouvernement du conservateur Pedro Passos Coelho, au pouvoir depuis 2011, a été défait par une large alliance de gauche. Après les dernières élections législatives du 4 octobre dernier, la droite était en effet sortie en tête des suffrages, mais avait échoué à obtenir la majorité absolue. Le gouvernement était donc depuis en position minoritaire au Parlement.

Or, dimanche dernier, les principaux partis de gauche du pays, réunissant le parti socialiste, les verts, le parti communiste, et le bloc de gauche anti-austérité, ont gommé leurs différences pour arriver à un programme commun. Leur leader, le socialiste Antonio Costa a ainsi fait voté cet après-midi une motion de censure contre la politique économique de Passos Coelho a de facto entraîné sa démission. Ce qui laisse la voie libre à la coalition de gauche pour former son propre gouvernement.

Des marchés qui paniquent facilement

Faut-il craindre ce tournant politique? Les marchés semblent dire "oui". Lundi, la Bourse de Lisbonne a chuté de plus de 4% et accusait encore une baisse de 1% ce mardi à mi-séance. Mais on peut douter que les Bourses constituent le thermomètre le plus adéquat. "L'incertitude politique a toujours tendance à mettre du bruit sur le marché car cela crée du risque. Et quand le marché ne sait pas où il va, il surestime le risque, par principe de précaution", explique Patrick Jacq, stratégiste obligataire chez BNP Paribas.

La vraie question est de savoir si l'arrivée au pouvoir de la gauche incarne une véritable rupture politique. Avec en filigrane la question du respect des objectifs fixés par la Commission européenne. Va-t-on ainsi vers un nouveau Syriza? Bruxelles est d'avis que non, car Antonio Costa "s'est engagé à respecter les règles budgétaires européennes".

Jesus Castillo, économiste chez Natixis, explique que la véritable question "est de savoir à quel rythme décide-t-on de desserrer l'étreinte de l'austérité au Portugal?". "Avant les élections, quand on regardait le programme du Parti socialiste et des conservateurs, il y avait à peu près les mêmes choses, sauf que dans un cas cela allait un peu plus vite que dans l'autre", fait-il remarquer.

Pas de risque de contagion

L'arrivée au pouvoir de la gauche ne ferait donc qu'accélérer un assouplissement qui serait de toute façon survenu. "Sur le fond, il n'y aura pas de véritable retour en arrière, le Portugal ayant une tradition politique modérée", conclut Jesus Castillo.

Le problème vient plutôt du fait que cette alliance gouvernementale reste fragile. "Ce sera un exécutif faible, et des élections anticipées se profilent en 2016", estime David Schnautz, analyste de Commerzbank, cité par l'AFP. "Ce qu'il faut craindre c'est qu'il y ait un blocage politique au Portugal", abonde Jesus Castillo.

Quant à savoir s'il peut y avoir un quelconque risque de contagion aux autres pays du Sud de l'Europe, l'économiste de Natixis répond par la négative: "Les choses sont désormais circonscrites dans tous les pays de la périphérie (du Sud de l'Europe, ndlr)", explique-t-il.