L'Ukraine peut-elle se permettre de choisir entre la Russie et l'UE?
Prise en tenaille par ses deux imposants voisins, l’Ukraine vit aujourd’hui dans la crainte de l’implosion, exaltée par un climat social explosif. Des centaines de milliers de manifestants ont ainsi défilé ces derniers jours, réclamant à la fois la démission du gouvernement et un rapprochement avec l’Union européenne.
La faute à un accord économique entre l’UE et l’ex-république soviétique, que le pouvoir en place a abandonné au dernier moment, sous la pression de Moscou. L’exécutif ukrainien, lui, tente de limiter la casse par quelques gestes forts, mais se trouve indéniablement dans une impasse.
L'abandon de l'accord avec l'Union européenne
Jeudi 21 novembre, coup de théâtre. Le gouvernement ukrainien décide de suspendre les négociations en vue d’un accord avec l’Union européenne, prévoyant notamment la création d’une zone de libre-échange entre les deux parties.
En contrepartie, l'UE réclamait une série de réformes visant à établir un modèle plus démocratique. La libération de l’opposante Ioulia Timochenko -dont la condamnation a vivement été critiquée par l’occident, malgré certaines zones d’ombre*- était d’ailleurs l’un des symboles de ces revendications.
La pression de la Russie
Problème: l’idée n’était pas vraiment du goût du voisin russe, qui dispose de nombreux moyens de pression. La menace de taxes sur les exportations ukrainiennes, et la réapparition de factures de gaz impayées ont notamment eu raison de la volonté –fragile- du gouvernement ukrainien.
Dans la balance, on peut comprendre que la sanction immédiate de la Russie ait pesé plus lourd que les bénéfices, hypothétiques et lointains, de l’accord commercial avec l’UE.
En outre, le coût de la mise aux normes européennes de l’économie ukrainienne, a été évalué à 150 milliards d’euros. Une montagne pour un pays aux finances exsangues.
Des finances au bord du gouffre
En récession depuis un an, la "petite Russie" voit son déficit se creuser à l’œil nu. Les réserves de change, de leur côté, s’assèchent de manière inquiétante.
Les marchés ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : les taux d’intérêt de dette publique à 10 ans ont récemment dépassé les 10% (à titre de comparaison, la Grèce vogue se situe autour des 8%). Et la menace du défaut de paiement plane de plus en plus.
Dans ce contexte, pourquoi l’Europe, qui peine à sortir de la crise, désire-t-elle autant s’associer avec l’Ukraine? Les raisons sont multiples, mais son approvisionnement en gaz naturel russe, qui transite en grande partie par l’Ukraine, revêt une importance toute particulière. En outre, l’Union européenne, en délicatesse avec sa demande intérieure, cherche de nouveaux marchés pour rebondir.
Moscou rêve d'une nouvelle URSS
Mais la Russie ne l’entend pas de cette oreille. Moscou pousse en effet l’Ukraine à adhérer à l’Union douanière, première étape vers le projet d’Union eurasienne que Vladimir Poutine veut voir aboutir en 2015. Le maintien de l’Ukraine dans le giron de Moscou est primordial, puisque seuls la Biélorussie et le Kazakhstan font pour le moment partie de cette zone d’échanges.
La Russie tient également à maintenir son influence dans l’ex-bloc soviétique. Sans désespérer de le voir un jour ressusciter: "l'effondrement de l'URSS a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle", a récemment affirmé Vladimir Poutine.
L’image de manifestants renversant la statue de Lenine, dimanche à Kiev, prend donc tout son sens. Et symbolise la division d’un peuple, partagé entre son attirance pour l’occident et ses racines russes bien ancrées. Une chose est sûre, l’absence d’orientation claire prônée par le gouvernement ukrainien ne devrait pas inverser la tendance.