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Mario Monti juge possible la fin de l'Union européenne 

L'ancien commissaire européen craint que les peuples européens ne se tournent vers plus d'autoritarisme, au détriment de la consolidation de l'Europe.

L'ancien commissaire européen craint que les peuples européens ne se tournent vers plus d'autoritarisme, au détriment de la consolidation de l'Europe. - AFP-THIERRY-CHARLIER

L’ancien commissaire européen s’insurge contre l’attitude de ses partenaires européens, dans un entretien publié par le quotidien suisse Le Temps.

"Dans quelques années, l’Union européenne ne sera peut-être plus là", prévient l’italien Mario Monti. Dans une interview accordée au journal suisse Le Temps, l’ancien commissaire européen livre son analyse sur les blocages actuels dans le fonctionnement de l’instance européenne.

Il ne se prive pas de l’occasion pour critiquer les autres dirigeants européens: "Ma principale inquiétude est d’observer une modification du fonctionnement de nos systèmes politiques nationaux depuis plusieurs années. Et cela s’accélère. Les responsables politiques et les décisions politiques sont de plus en plus inscrits dans le court terme. Dans un débat, il faut l’emporter en 10 à 15 secondes avec des slogans et non pas une longue argumentation de plus d’une minute… La première victime en est l’intégration européenne car c’est la notion la plus difficile à expliquer", explique-t-il.

Et de préciser sa pensée: "A cause de cette évolution vers le court-termiste, le calendrier électoral, la publication du prochain sondage, il en ressort une cacophonie de 28 voix disparates, non pas en fonction d’intérêts nationaux –ce qui serait déjà regrettable– mais d’intérêts partisans. Il est très improbable que ces décisions soient à la hauteur des défis de l’Europe", regrette-t-il.

Cette vision par le petit bout de la lorgnette pourrait, selon lui, conduire à favoriser l’autoritarisme au détriment de la démocratie: "On peut être certain que si la démocratie que nous aimons tant ne trouve pas la façon de devenir un peu moins court-termiste, les populations vont alors embrasser des systèmes moins démocratiques et plus autoritaires, ce que je ne désire pas", confie-t-il.

"L’Europe est vue comme un bien de consommation"

Ce changement de mentalité et donc de comportement des dirigeants européens désole Mario Monti, qui ne peut s'empêcher de faire preuve de nostalgie: "Jusqu’il y a quelques années, les dirigeants des pays allaient à Bruxelles en apportant chacun leur brique à la construction de l’édifice. L’Europe était un investissement. Désormais, l’Europe est vue comme un bien de consommation".

Un réflexe d’autant plus dommageable que l’Union doit actuellement faire face à deux crises majeures: l’une financière, au sein de la zone euro, l’autre sociale, avec l’afflux de migrants et de réfugiés en provenance de l’est. Des crises face auxquelles "il y a eu des réflexes de retour à la nation, au local, mais aussi, ce qui est néfaste pour l’intégration, de tensions entre le nord et le sud du continent", note celui qui a gouverné l'Italie entre 2011 et 2013.

Mario Monti explique ce défaut d’intégration par un déficit d’encadrement des latitudes laissées aux Etats membres. Quelle solution? Cet européen convaincu prêche une plus grande rigidité et se justifie ainsi: "Je ne suis pas d’accord avec ceux qui exigent beaucoup plus de flexibilité. Dans une communauté, il faut des règles qui soient appliquées sans flexibilité exagérée, mais ces règles doivent être justes sur le plan de la logique économique. Et l’actuelle ne l’est pas".

Adeline Raynal