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Optimisation fiscale: les Etats-Unis mettent en garde Bruxelles

Pour Jack Lew, le secrétaire au Trésor américain, les enquêtes européennes doivent cesser au plus vite, sinon "les États-Unis [...] pourraient s'en prendre aux entreprises du Vieux Continent".

Pour Jack Lew, le secrétaire au Trésor américain, les enquêtes européennes doivent cesser au plus vite, sinon "les États-Unis [...] pourraient s'en prendre aux entreprises du Vieux Continent". - Nicholas Kamm - AFP

Il ne faut pas toucher au système d’optimisation fiscale qui profite aux grands groupes américains. Le Secrétaire au Trésor américain, Jack Lew, a prévenu Jean-Claude Juncker. Si la Commission européenne poursuit ses enquêtes "les États-Unis en tireraient toutes les conséquences".

Œil pour œil ! C’est le message adressé par Jack Lew, le secrétaire au Trésor américain, à Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne. Le sujet porte sur les différentes enquêtes que mène l’Union européenne contre des mastodontes américains comme Google, Apple, Amazon ou encore McDonald et leurs méthodes d’optimisation fiscale. Ces entreprises risquent des pénalités évaluées à plusieurs milliards d’euros.

Dans le courrier que s’est procuré l’AFP, Jack Lew fait part de sa "déception". Pour lui, ces enquêtes qui viseraient principalement les groupes américains relèvent d'une interprétation large des règles européennes ». Il estime que ces méthodes "créent des précédents dérangeants en termes de politique fiscale internationale".

Le ministre américain "exhorte très respectueusement" l’Europe à "revoir cette approche". Et si rien n’est fait, "les États-Unis en tireraient les conséquences et pourraient à leur tour s'en prendre aux entreprises du Vieux Continent". En attendant, Jack Lew, est "disponible" pour un dialogue avec les responsables européens.

Aucun préjugé envers les entreprises américaines

La réponse de l’Europe ne s’est pas fait attendre. La Commission européenne ne relève pas les menaces, mais rejette les critiques. "Le droit de l'Union s'applique de manière non discriminatoire à toutes les entreprises actives en Europe. Il n'y a absolument aucun préjugé envers les entreprises américaines", a fait répondre Jean-Claude Junker à un porte-parole de la Commission, Ricardo Cardoso.

Il indique aussi que contrairement à ce qu’ils croient, les Américains ne sont pas les seuls à faire l’objet d’enquêtes fiscales. "La Commission a ordonné aux pays européens (qui avaient passé des accords fiscaux avantageux avec de grandes entreprises, NDLR) de récupérer les impôts impayés en majorité à des entreprises européennes".

Il a notamment cité l'exemple du régime fiscal belge jugé illégal par l'UE le 11 janvier, car trop favorable aux grands groupes et présentant donc une distorsion de la concurrence vis-à-vis de firmes plus petites n'y ayant pas droit. Au moins 35 multinationales, principalement basées dans l'UE, doivent rembourser les impôts impayés à la Belgique.

"Le paillasson numérique des Américains" ?

L’un des dossiers les plus lourds concernent Ikea qui, selon un rapport "s’est structuré pour soustraire à l’impôt plus d’un milliard d’euros ces six dernières années au détriment de divers États européens". Le groupe suédois "a essentiellement utilisé des échappatoires fiscales qu’offrent les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg".

Cette réponse feutrée suffira-t-elle à calmer le gouvernement américain? Difficile d’y croire. La Maison-Blanche a toujours, par le passé, protégé ses géants, envers et contre tous. En, février dernier, Barack Obama s’en était violemment pris aux Européens. Le président américain estimait que ces enquêtes ne sont "qu’une manière de tenter de récupérer une partie de nos intérêts commerciaux."

À l’époque, Stéphane Richard, patron d’Orange, s’était fendu d’une réponse moins diplomatique que celle de la commission européenne. "Nous ne sommes pas le paillasson numérique de l’Amérique" en ajoutant que les propos du président américain marquait un "retour de l’impérialisme dans sa version la plus crasse".

Pascal Samama avec AFP