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Les pistes pour alléger le fardeau de la dette grecque

L'Europe et le FMI s'opposent sur les moyens de soulager le fardeau des Grecs

L'Europe et le FMI s'opposent sur les moyens de soulager le fardeau des Grecs - -

A côté des débats portant sur le versement d’une tranche de l’aide internationale, les créanciers publics d’Athènes réfléchissent à des efforts pour rendre le poids de la dette un peu moins lourd.

Athènes retient son souffle depuis juin. Mais ce mardi 20 novembre, l’Eurogroupe pourrait mettre fin à un long feuilleton, en accordant une bonne fois pour toute le versement d’une tranche de l’aide européenne à la Grèce, de 31,4 milliards d’euros.

Si les créanciers publics de la Grèce devraient (normalement) s’entendre sur le déblocage de ces fonds, deux questions subsistent : faut-il alléger le fardeau de la dette grecque ? Et par quels moyens ?

La première question semble appeler à un "oui". Outre le lourd poids de cette dette sur les épaules des Grecs, Athènes va augmenter ses besoins de financement de 33 milliards d’euros en raison du report d’un objectif : ramener le déficit à 4% du déficit d’ici 2016 (et non 2014). Mais la deuxième question reste ouverte. Voici les pistes actuellement discutées.

> La décote, solution du FMI

La Grèce est censée accomplir les efforts budgétaires nécessaires pour réduire son endettement à 120% du PIB d’ici 2020.

Pour aider Athènes à tenir ses engagements, le FMI propose que les créanciers publics (Banque centrale européenne, Union européenne et Fond Monétaire Internationale), acceptent une décote sur les prêts accordés à Athènes, c’est-à-dire une perte sèche sur les montants réclamés à Athènes, un peu comme ce que les créanciers privés ont dû consentir.

Mais l’Union européenne ne partage pas vraiment cette idée. "Plusieurs pays d’importance ne sont plus prêts à mettre un centime de plus dans la dette grecque", résume Benoît Heitz, économiste à la Société Générale.

Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances, avait ainsi déclaré que "Parler d'une décote n'a pas grand-chose à voir avec la réalité des États membres de la zone euro. Les États ne peuvent pas légalement simplement effacer des milliards d'euros de pertes sur les obligations grecques qu'ils détiennent". Le directeur du Fonds européen de stabilité financière, Klaus Regling, considère lui que cette solution ne doit être qu’un recours lié à une "situation extrême".

En réalité, l’Union européenne joue plutôt sur le calendrier. "C’est un peu le débat de la poule ou de l’œuf. Le FMI pense qu’il faut garder le cap des 120% à horizon 2020. Dans ce cas, il estime qu’une décote est nécessaire. L’Union européenne considère que ce niveau peut être atteint un peu plus tard (2022). Dans ce second cas, les pays membres pensent qu’une restructuration est évitable", explique Benoît Heitz.

Wolfgang Schaüble avait lui-même déclaré que l'objectif fixé à la Grèce d'arriver à un endettement viable d'ici 2020 était peut-être trop ambitieux.

> Faire un effort sur les taux d'intérêt

Plutôt qu’une décote, Wolfgang Schäuble a livré la semaine dernière une autre possibilité qui pourrait légèrement soulager le fardeau grec. Les Etats-membres de l’Union européenne pourrait, en effet, jouer sur une variable : les taux d’intérêt. Ce qui signifie que les Européens baisseraient les taux demandés à la Grèce en échange de leurs prêts.

Pour Benoît Heitz, "une baisse des taux a du sens quand on regarde les coûts d’emprunts très faibles auxquels se financent la France et l’Allemagne. Ils prêtent ainsi plus cher qu’ils n’empruntent. Mais cela n’est pas le cas de tous les pays de la zone euro (Italie, Espagne)".

Par ailleurs, les créanciers publics de la Grèce ont déjà actionné une première fois ce levier. Ce lundi, Klaus Regling a d'ailleurs rappelé que "pour les crédits que nous avons accordés (à la Grèce), nous demandons à Athènes seulement un taux d'intérêt entre 1,5% et 2%". La marge de manœuvre n’est donc pas énorme.

> Agir sur la dette privée

Parmi les autres pistes, la Grèce pourrait également racheter sa dette au secteur privé. Ces rachats ont l’avantage de désendetter la Grèce au sens où elle rachète à prix cassés des obligations qu'elle a émis à 100% de leur valeur. Selon le New York Times, le gouvernement examinerait des options en ce sens.

Seulement, il y a plusieurs limites. D’abord, les obligations grecques s’échangent à environ 25% de leur valeur faciale (leur prix initial). La Grèce proposerait des rachats d'un montant entre 27 et 33% de cette valeur, pour donner une petite prime aux détenteurs privés de dette. Mais si cette rumeur positive enfle, automatiquement le prix des obligations va automatiquement monter sur le marché et s’échanger au-delà de 33%. Ce qui signifie tout simplement qu’Athènes serait contrainte de revoir les prix de rachats qu’elle propose et ainsi son action serait inefficace.

Ensuite, il faut rappeler que la dette détenue par le secteur privé ne représente désormais plus que 63 milliards d’euros contre un total de 370 milliards, ce qui limite l’impact de cette initiative. Enfin, il convient de se demander avec quel argent la Grèce peut financer ces rachats de dette, si ce n’est celui de ses partenaires européens…

> La BCE à la rescousse ?

La dernière possibilité, la plus sûre d’être concrétisée, viendrait de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci a acquis des titres de dette grecque à prix très avantageux (les rumeurs font état de 70 à 80% de la valeur initiale) qui doivent être remboursés à 100% de leur valeur. La BCE va donc enregistrer des profits. L’idée est que l’argent tiré de ces plus-values sera reversé par la BCE aux banques centrales nationales qui elles-mêmes le transférera aux Etats-membres qui, enfin, offrira cet argent à la Grèce.

Mais, comme le souligne Benoît Heitz, "Le problème est que la dette détenue par la BCE ne vient pas immédiatement à échéance". Autrement dit, les plus-values de la BCE ne pourront être réalisées avant que les titres de dette grecque ne parviennent à maturité.

Julien Marion