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Pourquoi, dès demain, la France va crouler sous les déchets plastiques

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La Chine a prévenu qu'elle cesserait d'importer toutes sortes de déchets, en particulier plastique, sur son sol fin octobre. L'Europe y envoie la moitié des détritus qu'elle ne traite pas sur son sol. Le secteur du recyclage en France prévoit de fortes turbulences pour les prochains mois.

Les stocks sont d'ores et déjà en train de gonfler, affirme la fédération des professionnels du recyclage. En cause, une décision prise au cœur de l'été par la première usine de recyclage du monde: la Chine a annoncé le 18 juillet à l'OMC qu'elle cesserait d'importer certains déchets sur son sol dès l'automne 2017. Deadline: fin octobre. La Chine qui absorbe aujourd'hui la moitié de tous les détritus qu'exporte l'Europe.

À compter de ce mercredi 1er novembre, les pays producteurs qui envoient quelques 50 millions de tonnes de déchets solides en Chine par an, dont 9 millions de plastiques, vont devoir se débrouiller avec leurs poubelles. En tout cas avec 24 types de rebuts désormais bannis: huit familles de plastiques, les papiers non-triés, certains textiles comme la laine et le coton, et des déchets métalliques issus de la fabrication du fer et de l'acier.

Aucun pays au monde ne peut traiter les déchets bannis

Pékin explique vouloir ainsi lutter contre la pollution de ses sols et contre les centres de recyclage qui contreviennent aux normes environnementales. Soit deux tiers des usines du secteur selon ses estimations. Dans le cadre de son plan "National sword" (épée nationale en français), le pays souhaite également s'attaquer au commerce illégal de déchets, qui représenterait 20% des importations totales de la Chine.

Problème, l'Europe n'a absolument pas les infrastructures nécessaires pour absorber les tonnes d'ordures que la Chine n'accepte plus. D'ailleurs aucun autre pays au monde ne les a, souligne Federec, la fédération française des entreprises du recyclage. Même pas la Turquie et l'Inde, qui importent déjà de colossaux tonnages venus d'Europe.

Une hausse des incinérations attendue

Le bannissement chinois représente certes "une formidable opportunité d'accroître le recyclage en France et en Europe", selon la Federec. Sauf qu'il faudra du temps. Or les stocks commencent déjà à grossir parce que les douanes chinoises accroissent déjà depuis plusieurs mois leurs contrôles sur les importation de déchets, affirme Federec. La fédération s'attend ainsi à une période de turbulences d'au moins un an. C'est-à-dire plus d'incinérations sur les premiers mois. Difficile dans ces conditions de préparer le recyclage de "100% des matières plastiques en 2025" sur lequel s'est engagé le Premier ministre Edouard Philippe cet été.

D'autant qu'avec des stocks nationaux de déchets qui vont s'accumuler, les prix vont chuter et les marges des recycleurs avec. Sachant qu'en termes de matières premières recyclées, l'offre est déjà supérieure à la demande.

Du coup, le secteur se met en ordre de bataille au plan mondial. Le BIR, le bureau international du recyclage, demande à Pékin de réviser sa décision. En France, les collecteurs de déchets dont le secteur a rapporté 8,1 milliards d'euros en 2016 en appellent à l'État.

La Fédération voudrait obliger les industriels à utiliser une part de plastique recyclés dans leur production. La filière va faire entendre sa voix sur la nécessité de trouver des débouchés pour rester compétitif avec des millions de tonnes de déchets supplémentaires en stock lors de l'élaboration de la feuille de route pour l'économie circulaire, qui commençait le 24 octobre, et dont le rendu est attendu début 2018.

Le recyclage chinois grand gagnant

Le gagnant de l'histoire semble pour beaucoup être la filière recyclage chinoise. Ces dernières années, la Chine a alimenté sa croissance à moindre frais grâce à ces déchets qu'elle recyclait pour les réutiliser dans ses productions. Mais cette année, le pays "a lancé un plan pour augmenter de 67% le chiffre d'affaires de l'industrie du recyclage en 2020, par rapport à 2015", explique un expert d'EY.

En Europe aussi, certaines entreprises y voient leur intérêt. Les exportateurs de déchets de qualité, ceux qui sont déjà triés et correctement conditionnés, pourront vendre plus cher. Et les entreprises comme la britannique MBA Polymers, spécialiste du recyclage des plastiques de haute qualité, y voit une fantastique opportunité.

Nina Godart