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Pourquoi Daesh veut lancer sa propre monnaie

Les jihadistes de l'Etat islamique vont frapper des pièces d'or, d'argent, et de cuivre.

Les jihadistes de l'Etat islamique vont frapper des pièces d'or, d'argent, et de cuivre. - Welayat Raqa - AFP

Le groupe Etat islamique (ou Daesh) a annoncé la semaine dernière qu’il allait frapper sa propre monnaie. Une nouvelle étape dans sa quête de respectabilité, mais aussi une manière de développer son commerce extérieur.

Après s’être dotés d’une administration, d’une justice en accord avec leur "philosophie", mais aussi d’un système d’imposition, les jihadistes de Daesh (ou groupe Etat islamique) ont annoncé qu'ils allaient frapper leur propre monnaie.

L’organisation, qui contrôle un territoire aussi grand que le Royaume-Uni, explique que l'objectif est de remplacer "le système monétaire tyrannique imposé aux musulmans qui a conduit à leur oppression". Mais au-delà du message propagandiste, cette initiative n’est pas anodine, alors que l’objectif poursuivi est clair: faire d’un territoire conquis dans le sang un Etat puissant et respecté.

Différente des monnaies traditionnelles

Pour cela, l’Etat islamique se doit d’être cohérent, et appliquer à la lettre les principes de "pureté". "Actuellement, les monnaies échangées sur le territoire de l’EI sont la livre syrienne, le dinar irakien et le dollar. Ce dernier n’obéit pas aux règles de sacralité", indique Olivier Hanne, chercheur à l’université d’Aix-Marseille. "L’EI veut en outre faire passer un message aux populations, selon lequel l’Etat coranique protège les pauvres des affres du capitalisme", poursuit l’auteur de l’ouvrage Etat islamique, anatomie du nouveau califat.

La valeur de cette monnaie sera indexée sur celle du métal dans lequel elle est forgée. A la différence des devises traditionnelles, dont la valeur n’est pas définie par leur support mais par la loi du marché. Là aussi, la dimension idéologique est forte : "le message véhiculé par l’EI est que le capitalisme est basé sur le mensonge, avec une monnaie dont la valeur est déconnectée de la réalité", analyse Olivier Hanne.

Acquérir des devises étrangères

Cependant, les dirigeants islamistes ont peut-être une autre idée en tête. "Certains disent que cette monnaie sera une façon d'obliger les civils dans la zone Daech (autre nom utilisé pour l’Etat islamique) à troquer des devises normales contre la monnaie de l’EI. Ainsi ce dernier aura des devises étrangères", selon Harold Hyman, spécialiste de géopolitique pour BFMTV.

"Il y a aussi le problème de la détention réelle d'or", poursuit-il. "Daech en a pillé à Mossoul, dans la branche locale de la banque centrale. Mettre des pièces en circulation incitera une vaste palette de resquilleurs et profiteurs d'acheter ces pièces, pour les refondre. Là aussi, les devises fortes seront utilisées pour cet achat. Et le commerce direct de Daech avec le monde extérieur serait accru".

Pour autant, s’il s’agit d’un nouveau pas de franchi, la monnaie du groupe Etat islamique a-t-elle un avenir ? "C’est un bon outil idéologique, mais ce n’est un peu "que" ça", estime Olivier Hanne. "Cette monnaie aura de l’avenir si l’EI dure. Et au-delà de cinq ans environ, elle pourrait devenir un élément d’identification entre les fidèles et les traîtres. Les acheteurs en dollars ou autre pourraient alors se voir stigmatisés".

Yann Duvert